***
Jack the Ripper (Jack
l’Eventreur) de Robert S. Baker et Monty Berman (1958)
L’inspecteur O’Neil retrouve son ami, le
policier américain Sam Lowry qui va l’aider dans ses enquêtes sur les crimes
commis dans les ruelles de Whitechapel et tous signés « Jack
l’Eventreur » qui envoie des lettres à la presse.
Bien que Whitechapel soit un
quartier populaire qui ne préoccupe ni la bourgeoisie, ni la noblesse, ni le
parlement, la colère monte dans l’opinion publique et le gouvernement, paniqué
face à un groupe d’habitants du quartier qui grondent de plus en plus et
seraient prêts à lyncher tout homme solitaire se promenant dans Whitechapel,
exige de la police une résolution rapide de l’affaire.
Leur enquête amène les deux détectives à s’intéresser
à une clinique pour indigents dirigés par Sir David et où opère le docteur
Tranter. Ann Ford, la nièce de Tranter y remplace l’habituelle secrétaire de
nuit qui est en congé.
L’atout principal
de cette version de l’enquête sur Jack l’Eventreur, c’est l’ambiance
admirablement rendue par la photographie assurée ici par les deux réalisateurs
eux-mêmes. On ne sort jamais du quartier de Whitechapel, son obscurité et son
brouillard nocturne.
Le gros défaut du film, c’est un scénario paresseux qui se repose
entièrement sur cette ambiance. Trois médecins sont clairement désignés comme
des « éventreurs possibles » et c’est effectivement l’un des trois
qui est le coupable. Après sa mort, O’Neil se contentera de classer l’affaire.
Sur les motivations de ce tristement célèbre « tueur en
série » qui, au bout du compte, a fait couler plus d’encre que de sang, la
« thèse » retenue ici est la vengeance personnelle, ce qui, au vu des
autres productions sur le même sujet, ne semble ni très brillante, ni très
vraisemblable. Chez Hitchcock et chez Brahm (The Lodger),
l’éventreur était une sorte de Jekyll et Hyde (le roman de Stevenson a souvent
été rapproché des crimes de Whitechapel dont il est relativement contemporain),
brave homme, plutôt bourgeois et effacé se transformant la nuit en tueur
psychopathe. Chez James Hill (A Study in Terror, le plus mauvais de la
série), nous sommes encore dans la vengeance personnelle. Il faudra attendre
Bob Clark (Meurtre par décret) et David Wickes (Jack l’éventreur) pour aborder la thèse du
complot touchant les hautes sphères de l’aristocratie, du gouvernement et
jusqu’à la famille de la reine Victoria.
Le régime puritain que cette reine âgée imposait à ses sujets a souvent
été évoqué pour parler d’un « défoulement » de la Gentry allant
« s’encanailler » dans le quartier miséreux de Whitechapel où les
crimes sordides, commis sur des femmes pauvres contraintes à la prostitution,
pouvaient être perpétrés en toute impunité.
C’est la « montée aux créneaux » des radicaux qui mit le feu
aux poudres en s’étant assuré une campagne de publicité sans précédent auprès
d’une presse avide de sensationnel. Et du scandale naquit une légende, celle de
Jack l’éventreur, l’insaisissable qui inondait les journaux, précisément, de
lettres délirantes.
Chez Baker et Berman, le fond sociologique et politique de l’affaire
est à peine effleuré, mais il n’en est pas moins présent.
Le film privilégie le suspense et l’horreur et on frémit dès qu’une
femme se retrouve seule dans la rue. Autre signe particulier (très conforme,
semble-t-il, à la réalité) tout le monde se déplace à pied dans ces ruelles qui
étaient trop étroites pour les voitures.
Encore une fois, c’est la reconstitution soignée de l’East End
londonien qui est ici privilégiée et c’est tant mieux, même si le scénario en
souffre quelque peu.
Les rôles sont tenus par de solides comédiens, mais on ne trouve aucun
acteur connu, si ce n’est John Le Mesurier dans le rôle du très conservateur
Docteur Tranter qui traite l’Américain Sam Lowry de « colonial »,
cent vingt-deux ans après la déclaration d’indépendance des Etats Unis
d’Amérique sur la couronne d’Angleterre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire