lundi 8 février 2021

Contes de l’âge d’or

 

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Amintiri din epoca de aur (Contes de l’âge d’or) (2009) de Christian Mungiù,

Iona Maria Uricaru, Hanno Höfer, Razvan Macculescu, Constantin Popescu

1 – Legenda activistului în inspecjie (La légende de la visite officielle)

Le maire de Visuresti et son assistant sont sur les dents : on attend une visite officielle. Pour cela, on a tout repeint, on a sorti les drapeaux, on va mettre des vaches partout et on a fait apprendre un poème au fils du maire. Et lorsque les camarades-inspecteurs du parti viennent passer l’inspection, ils refusent qu’on sorte les vaches (il y a un Indien dans la délégation) pour les remplacer par des moutons qu’il faut ramener, du coup, des pâturages.

2 – Legenda politrucului zelos (La Légende de l’activisme zélé)

Un jeune et enthousiaste membre du parti décide d’aller alphabétiser un petit village perdu qui n’en demande pas tant.

3 – Legenda milijianului lacom (La Légende du policier avide)

En Roumanie, la tradition veut qu’on mange de la viande de porc pour les fêtes. Mais dans les années Ceaucescu, surtout les dernières, il est difficile de trouver de la viande.

 

Alexa, un policier, demande à son frère de lui trouver un cochon. Il lui en trouve un, mais vivant.

4 – Legenda fotografului de partid (La Légende du photographe officiel)

1978 – Le Président de la République Française, Valery Giscard d’Estaing, est en visite officielle à Bucarest. Et sur toutes les photos de la presse officielle roumaine, Ceaucescu tient sa chapka à la main devant le président français qui, lui, porte son chapeau. De plus, Ceaucescu est plus petit que Giscard et semble en retrait. Impossible, donc, de livrer telles quelles ces images au peuple roumain.

Lorsque le film fut présenté à Cannes en 2009, les distributeurs français eurent l’idée, assez géniale (pour une fois, on peut bien leur reconnaître !), d’extraire une phrase, non des dialogues du film ou d’une quelconque critique dithyrambique, mais d’un discours de l’impayable Georges Marchais affirmant sans rire : « Le bilan des pays de l’Est est globalement positif ».

Si le régime de Ceaucescu n’était mort en même temps que son incarnation, il y a un peu plus de vingt ans, ce film, à lui seul, aurait pu le tuer, s’il est vrai que le ridicule peut tuer.

Je ne me permettrai pas de juger le deuxième sketch (celui de « l’activiste zélé ») : un petit peu fatigué, j’ai dormi pendant la presque intégralité du sketch.

Mais les trois autres sont superbes et hilarants avec une mention particulière pour le premier : entre le fils du maire rejeté pour cause d’oreilles décollées, le retour forcé des moutons des pâturages pour une visite officielle qui, naturellement, sera annulée au dernier moment, sans oublier, bien sûr, l’obligation pour tous de monter sur les chaises volantes, ce qui fait qu’il n’y a plus personne pour les arrêter, on assiste ébaubis (et ravis !) aux aberrations les plus délirantes d’un des régimes les plus kafkaïens que le curieux mélange idéologie communiste et culte de la personnalité ait pu produire.

Bien sûr, le camarade secrétaire général Ceaucescu n’est physiquement présent qu’en photo dans l’ultime sketch (La Légende du photographe officiel), mais il est omniprésent surtout dans le premier sketch puisqu’on comprend qu’il fait partie de la fameuse délégation et, surtout, parce qu’on sait que lorsque le « Danube de la pensée » traversait la campagne roumaine, les arbres devaient toujours être en fleurs, voire en fruits, et ce, même (et surtout) en plein hiver.

Dans les années cinquante, cet humour ravageur « sous le manteau » des pays de l’est était attribué plutôt aux Polonais. Mais depuis, le pays de Gomulka est tombé de la contestation par l’humour au populisme étroit et catholique qui les a menés de Lech Walesa aux frères Kaczyński (Enfin, maintenant, il n’y en a plus qu’un ![1]).

Cet humour réputé « polonais », il y a quelques décennies est visiblement devenu  «  roumain » de nos jours, au vu de ce petit bijou de comédie vacharde.

Le film est sorti en France sous le titre Contes de l’âge d’or (1ère partie) ce qui tendrait à sous-entendre qu’il y en a un autre. On attend cette (potentielle) deuxième partie avec impatience en espérant qu’elle soit aussi bonne que la première !

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Note rédigée le 10 mai 2010 : Lech Kaczyński est mort ce même 10 mai 2010 dans un accident d’avion à Smolensk en Russie. Son frère jumeau Jaroslaw n’était - hélas ! – pas dans l’avion et sévit toujours, onze ans plus tard (Il est vice-président du Conseil des Ministres de la république polonaise)

 

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