mardi 16 février 2021

Violette

 

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Violette (2013) de Martin Provost

 En 1943, Violette Leduc vit de trafics du marché noir. Elle s’est réfugiée à la campagne avec Maurice Sachs, écrivain homosexuel qui la fait passer pour sa femme.

Mais Sachs se lasse très vite de cette femme encombrante, amoureuse et collante. Il la quitte pour monter à Paris.

Parvenue elle aussi dans la capitale, Violette continue le marché noir et commence à écrire.

Sans trop y croire, elle va déposer son manuscrit chez Simone de Beauvoir qui lui répond par un télégramme : elle veut la rencontrer, car le manuscrit l’a enthousiasmée.

Violette se prend alors d’une passion délirante pour celle qu’elle considère comme un guide.

Il est toujours curieux de se poser la question du choix d’un sujet pour une œuvre, que ce soit un livre, une pièce, un film, voire un tableau.

Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir ont fait l’objet de deux téléfilms. Il est certain que toute cette époque, qui commence pendant l’occupation pour se terminer au milieu des trente glorieuses, a été d’une très grande richesse au niveau littéraire. Outre Sartre et de Beauvoir, il y a les anciens (Cocteau, Gracq, Giono, Queneau, Giraudoux...), les nouveaux (Vian, Ionesco, Beckett...). Dans l’entourage de Sartre et de Beauvoir, il y a Genêt et, naturellement, Camus.

La liste n’est naturellement pas exhaustive : on pourrait citer Maurice Sachs, qu’on aperçoit au tout début du film et...Violette Leduc.

Quelles que soient les qualités de l’œuvre de Violette Leduc (je n’ai lu aucun de ses livres) ou quelles qu’aient pu être ses qualités personnelles, sa vie, telle qu’elle nous est présentée, n’a rien de fascinant. Le personnage lui-même nous fait tout de même l’effet d’une chialeuse bêlante (« Je suis une batarde, ma mère ne m’a jamais touchée, personne ne m’aime... Je suis laide ! »). C’est d’autant plus frappant qu’en face de cette pauvre gourdiflotte, nous avons une Simone de Beauvoir sèche comme un coup de trique que seule l’interprétation et le charisme de la désormais incontournable Sandrine Kiberlain parvient à rendre attachante.

Une scène est assez caractéristique de ce déséquilibre entre les deux personnages. Violette Leduc vient chialer, comme d’habitude, chez Simone de Beauvoir qui ne semble pas aller très bien. En effet, elle vient d’apprendre le décès de sa mère. Réponse de l’égocentriste Leduc : « Comme je vous plains ! Je crois que je mourrais si je perdais ma mère ! » Et toc, la voilà qui nous reparle d’elle et avec quel tact !

Encore une fois, je ne parle que du personnage du film et non de la vraie Violette Leduc.

Et le film lui-même joue sur l’égotisme de son héroïne. Simone de Beauvoir n’existe qu’en fonction d’elle, de même que Jean Genêt et Jacques Guérin. Maurice Sachs, qui eut un destin assez exceptionnel, n’a droit qu’à quelques minutes de film.

Quant à Jean-Paul Sartre et à Albert Camus, Martin Provost n’a même pas jugé utile de les mettre dans le film, ce qui est un comble quand on sait que Camus fut le premier éditeur de Violette Leduc.

Réalisateur fêté de Séraphine et inspiré du méconnu Où va la nuit ? Martin Prouvost voudrait retrouver le grand succès de Séraphine.

Mais on a un peu l’impression qu’il n’a pas réalisé à quel point « sa » Violette était dénuée du moindre intérêt. Et le scénario poussif n’arrange rien. Nous sommes ici en présence d’un scénario à chapitrage séquentiel répétitif « ad nauseam » (que j’appelle autrement « syndrome Petits mouchoirs ») :

1.      Violette écrit.

2.      Son entourage (Maurice Sachs d’abord, sa mère ensuite) ne la comprend pas.

3.      Elle pleure

4.      Elle porte ce qu’elle a écrit à Simone de Beauvoir.

5.      Simone de Beauvoir trouve ça superbe.

6.      « Mais vous ne m’aimez pas... d’ailleurs personne ne m’aime ! ... » chiale la chialeuse.

7.      « Cessez de geindre ! Ecrivez ! » lui intime la grande dame sèche.

Du coup :

1.      Violette écrit... etc...

Et ça n’en finit pas (139 minutes, tout de même) !

Reste LE bon point du film : le casting. Catherine Hiegel est Berthe, cette mère soi-disant monstrueuse, mais qui ne nous paraît pas pire qu’une autre et à laquelle la grande comédienne apporte son talent et son charisme. Olivier Gournet, toujours d’une grande justesse, est Jacques Guérin, le parfumeur devenu éditeur par vénération pour la littérature de Violette. Jacques Bonnafé est un extraordinaire Jean Genêt, plus vrai que nature. Et les rôles secondaires sont largement à la hauteur, si on excepte Olivier Py, assez mauvais dans le rôle furtif (heureusement pour le coup...) de Maurice Sachs.

Emmanuelle Devos est excellente dans le rôle de l’emmerdeuse. Quant à Sandrine Kiberlain, elle est mieux que merveilleuse : elle illumine l’écran et elle est pour le spectateur LE point d’éblouissement de ce film fade.

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