mardi 23 février 2021

Vincere

 

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Vincere (2009) de Marco Bellocchio

Ida Dalser rencontre Benito Mussolini, agitateur socialiste, à Trente en 1907. Trente fait partie de l’empire austro-hongrois. Lorsqu’elle le revoit en 1914, il prône la guerre à l’opposé de ses amis socialistes qui sont tous pacifistes.

Il est renvoyé du journal « Avanti ! », socialiste et pacifiste, et fonde « Il popolo d’Italia » avec l’argent d’Ida qui a tout vendu pour le soutenir. Le 11 novembre 1915, Ida met au monde Benito Albino, fils de Mussolini, mais celui-ci qui a été blessé à la guerre épouse sa maîtresse officielle et abandonne Ida.

Ida clame qu’elle est la seule femme légale de Mussolini qui est parti à l’assaut du pouvoir sous l’étiquette « fasciste ». Sur ordre du « Duce », Ida est internée et son fils lui est enlevé.

Etrange histoire que celle de cette héroïne de tragédie, compagne passionnément amoureuse de l’un des hommes à la fois les plus ridicules et les plus haïs de toute l’histoire du monde, toutes époques confondues.

A priori, cette tragédie était cinématographique et Bellocchio s’en tire plutôt bien. Mais pourquoi faut-il qu’il succombe à ses travers habituels, ses affèteries de langage héritées des années soixante (qui virent ses débuts) comme, par exemple, le « Guerra ! » martelé d’Aïda inscrit à l’écran au moment où Mussolini abandonne le pacifisme socialiste au profit du bellicisme fasciste. Tout cela est quand même assez lourd.

Cependant, le début du film et la fin sont une grande réussite. Ce que Bellocchio montre le mieux, c’est la passion : passion amoureuse (et réciproque) d’Ida et Benito et folie, de la mère et du fils, à la fin.

Il est vrai que le dictateur italien, si justement ridiculisé sous les traits de Jack Oakie par Chaplin dans Le Dictateur, entretenait soigneusement sa réputation de séducteur : « Il brise les reins d’une jument tous les matins et d’une femme tous les soirs » dit le personnage de Sophia Loren dans Une journée particulière. C’est d’ailleurs avec sa maîtresse, Clara Bettacci, qu’il fut arrêté et fusillé et ce sont leurs deux cadavres qui furent livrés à la foule milanaise. Tout le contraire de son grand allié Adolf Hitler qui, lui, entretenait l’image d’un puritain pointilleux.

Bien sûr, de nos jours, les mimiques ridicules du Duce prêteraient plutôt à rire si elles ne s’accompagnaient de tant de tragédies.

Ce qu’on peut reprocher au film, c’est de glisser un peu vite sur la montée du fascisme, la marche sur Rome et l’accession au pouvoir de Mussolini. Bien que le film ne soit basé que sur la liaison de Benito avec Ida Dalser, puis sur leur fils, on aurait peut-être pu jeter un certain éclairage sur la carrière d’un homme qui contribua à l’un des pires cataclysmes de l’histoire de l’humanité.

D’ailleurs, le personnage de Benito Albino n’est pas mieux traité, dans le film, que son père, malgré l’excellence de la double interprétation de Filippo Timi.

Visiblement, c’est Ida, son amour, sa passion et sa folie qui intéressent le cinéaste et il évite de trop se pencher sur des détails, comme cet acte de mariage qui aurait été détruit (ce qui est dit longtemps après le mariage lui-même, qui est montré de façon assez réaliste pour qu’on y croit) ou le rôle de l’état-major fasciste qu’on voit peu et qu’on ne comprend pas toujours. Peut-être Bellocchio a-t-il fait en sorte que l’empathie du spectateur vis-à-vis de son héroïne aille jusqu’à l’incompréhension pour un système qui va la broyer. A ce point de vue, toute la partie centrale du film n’est pas claire et on se prend un peu les pieds avec tous ces personnages dont on nous parle, mais qu’on ne reconnaît jamais.

Et cette empathie pour Ida a ses limites. Sa passion pour ce personnage veule, lamentable et universellement méprisé n’attire pas vraiment la sympathie et le rôle déterminant qu’elle a dans le film dans ce que deviendra le « Duce » nous la rendrait plutôt antipathique, faute d’une sublimation.

Reste l’interprétation de Giovanna Mezzogiorno, en folle superbe, qui porte tout le film. Elle est la splendide révélation ainsi que Filippo Timi, grandiose à la fois dans le père et dans le fils : ses mimiques « mussoliniennes » font froid dans le dos et son interprétation est aussi exceptionnelle (dans un rôle comme dans l’autre) que celle de sa partenaire.

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