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Amok (1934) de Fedor Ozep
Le docteur Holdt occupe un poste de médecin de brousse en pleine jungle malaisienne. C’est un homme tourmenté, au bord de la dépression.
Un jour, il reçoit la visite d’une femme blanche, très belle, hautaine, autoritaire. Après les mondanités d’usage, elle explique au médecin que son mari est absent depuis plus d’un an et s’apprête à rentrer. D’une façon assez directe, elle lui propose, contre une somme confortable et son retour en Europe, de la faire avorter de l’enfant illégitime qu’elle attend.
Choqué par le ton froid et autoritaire de la femme, le médecin refuse. Mais à peine la femme est-elle partie qu’Holdt la poursuit comme un fou.
Il est devenu Amok, ces possédés qui court droit devant eux, tuent tous ceux qui essaient de leur barrer le passage et finissent par être tué.
Zweig, par la fascination qu’il exerce sur les réalisateurs, a toujours été trahi par le cinéma à une exception près, Lettre d’une inconnue de Max Ophuls.
La télévision, et curieusement, la télévision française l’a, en revanche, mieux servi : La Confusion des sentiments ou La Ruelle au clair de lune ne perdent rien de leur grandeur sur le petit écran.
Comparé aux autres adaptations cinématographiques, cet Amok est une réussite qui, sans avoir la grâce du film d’Ophuls (mais peut-on honnêtement reprocher à un bon film de ne pas égaler un chef d’œuvre ?), n’en est pas moins remarquable par la fidélité « de fond » à Zweig.
Certes, on peut reprocher à l’adaptation certaines maladresses. Une des « petites choses » qui font la force de Zweig est qu’aucun nom propre n’est jamais cité, ce qui permet, paradoxalement de penser que ces héros existent, qu’ils sont nous, même lorsqu’on est un homme, alors que les héros de Zweig sont souvent des héroïnes. Mais Zweig ne fait pas de sexisme, ses héros sont unisexes : l’inconnue de la lettre, la femme mariée de La Peur, le matelot de La Ruelle au clair de lune, le petit garçon de Brûlant secret sont, hommes et femmes, emportés par la même passion destructrice. Et cette passion destructrice, c’est celle de l’Amok.
Même l’interprétation quelque peu datée de Jean Yonnel contribue à la vraisemblance de cette passion qui dévorera le pauvre fou qui aime au-dessus de ses moyens. Certes, Jean Yonnel n’est pas Harry Baur mais, Dieu merci, ce n’est pas Pierre Blanchar non plus.
Quant à la réalisation d’Ozep, elle « capte » remarquablement cette passion et nous la livre brutalement, sèchement, d’une façon faussement chirurgicale sous laquelle on sent la connivence avec cet anti-héros de la part de ce Russe émigré qui mériterait d’être réévalué et qui nous a offert une très belle adaptation des Frères Karamazov et une remarquable Dame de Pique, cas presque unique d’une fidélité à Pouchkine… pourtant interprété par Pierre Blanchar.
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