Anime nere (Les Âmes noires) de Francesco Munzi (2014)
Pendant que Luigi et Rocco négocient « un nouveau marché » avec un trafiquant espagnol, Luciano, leur frère aîné s’occupe de ses chèvres en restant le plus éloigné possible de la ‘ndrangheta dont ses deux frères sont des parrains.
Mais l’attrait de la drogue et de l’argent facile fascinent son propre fils Leo qui considère son père comme un lâche et ses deux oncles comme des héros.
Le père de Luigi, Rocco et Luciano était chevrier, lui aussi, comme son fils aîné.
Il a été retrouvé mort, assassiné par un membre de la ‘ndrangheta. Ses deux fils cadets n’ont jamais renoncé à le venger.
En 1966, Dino de Laurentis faisait réaliser par cinq metteurs en scène italiens un film à sketches à la gloire de son épouse Silvana Mangano. Le film s’intitulait Le Streghe (Les Sorcières) et les réalisateurs en étaient (excusez du peu !) Luchino Visconti, Mauro Bolognini, Pier Paolo Pasolini, Vittorio de Sica et Franco Rossi.
Ce dernier était l’auteur du sketch le plus drôle des cinq : La Siciliana dans lequel une vieille fille laissée pour compte (Sic ! Silvana Mangano en 1966 ! ...) dénonçait son « suborneur » à son père qui, du coup, s’en allait le tuer. Les frères du « suborneur » « lavaient leur honneur dans le sang » en tuant le père dont les cousins tuaient, à leur tour, les frères etc… Et devant la bonne vingtaine de cadavres provoqués par elle-même, la Sicilienne hystérique hurlait : « Mais pourquoi, tous ces morts, pourquoi ? »
Ici, c’est (presque) la même chose, sauf que tous ces morts seront du même côté, entendez, de la même famille. Car bien plus que la mafia sicilienne ou la camorra napolitaine, la ‘ndranghetta calabraise fonctionne exclusivement sur les relations familiales et les rapports de vassalité d’une famille à une autre.
Le film de Munzi est, certes, une fiction, mais il est remarquablement documenté et ressemble, par moments, à un documentaire.
Il s’agît bel et bien d’une plongée dans ce milieu débile où la vacuité des « héros » les pousse à asseoir un pouvoir qu’ils n’ont que très peu et très peu de temps, puisqu’ils ont, globalement, de sérieuses tendances à mourir jeunes.
Sans esbroufe, sans lyrisme (comme chez Coppola ou De Palma), Francesco Munzi constate sèchement un état de fait : derrière ce code d’honneur à la con, il y a de vrais morts, des familles détruites et puis, du fric, du fric, du fric …
A la sobriété de la réalisation, répond (et correspond) la sobriété remarquable de l’interprétation. Pas de crise d’hystérie, très peu de hurlements (lorsque votre mari se fait tuer devant vous, vous hurlez, c’est humain !), mais, et c’est bien le sujet, énormément de coups de feu.
Marco Leonardi, c’est Luigi le fils cadet, le « bling bling », le côté “glamour” du système mafieux, alors que Peppino Mazzotta, lui, c’est Rocco, le comptable, l’homme sérieux au contraire. D’ailleurs, ce sera Luigi qui sera tué de façon spectaculaire par le clan d’en face.
Fabrizio Ferracane incarne Luciano qui reste chevrier, mais qui sera bien obligé lui aussi, de se laisser contaminer par la violence dans le final du film, inattendu et désespéré.
Le jeune Giuseppe Furno avec sa petite gueule de gouape est Léo, l’ado fasciné par la ‘Ndranghetta et ses codes à la con (voir plus haut). Il le paiera cher. Son père, qui n’a rien fait, le paiera cher aussi.
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