dimanche 22 août 2021

Nous sommes tous des assassins

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Nous sommes tous des assassins (1952) d’André Cayatte

René Le Guen est entré par hasard dans la résistance. Il exécutait (au sens propre) les plus basses besognes. Le jour de la Libération, alors qu’il est ivre, il tue son chef de réseau.

 

La paix revenue, il tue un vieux marchand de ballons. Dans un établissement de bains publics, il tue un des agents venus l’arrêter et un garçon de bains. Il est condamné à mort.

On n’a pas été équitable avec ce film. Certes, il est verbeux et emphatique et les croquenots du père Cayatte ne ressemblent pas à des chaussons de danse. Tout est redondant et le discours, pour sympathique qu’il puisse paraître, est pesant, mais il ne dessert pas la cause qu’il veut défendre, ce qui n’est pas toujours le cas.

Tous les arguments sont mis en avant : le religieux, d’abord, avec le caractère sacré du pardon et, surtout, du repentir et du rachat, impossibles avec la peine de mort ; le pragmatique, avec l’impossibilité pour le condamné de compenser le mal qu’il a pu faire aux victimes et à leur famille.

L’absurdité de la peine de mort est mise en évidence à plusieurs reprises (« Si j’ai eu tort, pourquoi vous avez raison ? » dit Gino le Corse au moment de son exécution), ainsi que son inutilité (« Maintenant qu’ils l’ont tué, qu’est-ce que ça va changer ? ») et son danger (l’avocat fait valoir que les condamnés à mort sont souvent considérés comme des héros). Le « meurtre officiel » est évoqué de façon moins insistante, mais il n’en est que plus efficace.

A l’inverse, les arguments des partisans de la peine de mort sont battus en brèche : son exemplarité totalement illusoire et l’utilité de se débarrasser d’un meurtrier irrécupérable comme le malade mental, jugé cependant responsable et totalement méconnaissable après une simple opération.

Tout ce qui reste, c’est le poids électoral de la peine de mort, pris en considération par les démagogues gluants et poujadistes de tout poil et la valeur contestable de la loi du talion. Sans oublier l’argument massu pour le citoyen, « l’illusion dangereuse d’être défendu », comme le dit l’avocat de Le Guen.

L’interprétation est à la hauteur du message : Antoine Balpêtré, Raymond Pellegrin, Paul Frankeur, Marcel Pérès, le jeune Georges Poujouly et même l’effacé Claude Laydu, sans oublier, bien sûr, le fantastique Mouloudji en font des tonnes pour défendre cette cause pour laquelle on n’en fait, selon moi, jamais trop.

Dans le même registre, les Américains sont à la fois plus mesurés (dans le discours) et plus directs (dans l’image). I Want to Live contenait la séquence insupportable de l’exécution que Cayatte ne montre jamais. Il est vrai qu’une chaise électrique, voire une chambre à gaz sont plus « esthétique » qu’une tête tranchée. De nos jours, aux Etats-Unis, c’est encore plus « montrable » : une simple piqûre. Mais la différence fondamentale entre chez eux et chez nous, c’est que la France est entrée dans la civilisation en 1981 en rejetant, définitivement je l’espère, cette pratique de barbare à laquelle ces « sauvages de peaux-rouges » (comme on appelait les Américains) sont si hystériquement attachés.

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