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Ces dames aux chapeaux verts (1937) de Maurice Cloche
La jeune Arlette, dont le père vient de mourir ruiné, est contrainte d’accepter l’hospitalité de ses quatre cousines, les demoiselles d’Avernisse : il y a Jeanne, Marie, Rosalie et surtout la terrible Telcide, la fille aînée qui dirige la maison et ses sœurs d’une main de fer.
Arlette, jeune Parisienne, s’ennuie dans cette petite ville de province. En furetant dans la maison, elle trouve le journal intime de Marie qui était amoureuse, des années auparavant, du professeur Ulysse Hyacinthe.
Or, le professeur vient de revenir en ville après des années d’absence. Arlette se met en tête de marier Marie et Ulysse.
Cette deuxième version du célèbre roman de Germaine Acremant est désuète, mais c’est ce qui en fait le charme, comme le charme de cette vieille maison où on entre parce que la porte est ouverte, vu que la bonne, Ernestine, « fait les cuivres de la sonnette », maison dans laquelle on vit dans des housses, où on ne va jamais au grenier parce qu’« on n’a rien à y faire » (lorsqu’Arlette y passe sa journée, on croit simplement qu’elle a disparu) et où on n’a pas fait installer l’électricité à l’étage « à cause des courts-circuits ».
Mais au-delà de ce folklore, attendrissant pour nous, il y a l’extrême solitude de ces « vieilles filles » dont on veut nous faire rire et dont, au bout d’une heure et demie, la grande Marguerite Moréno nous fait pleurer. La grande scène de Telcide est un splendide morceau de bravoure, le seul moment qui n’ait pas vieilli, car même si les grenouilles de bénitier et autres punaises de sacristie semblent appartenir à un autre âge, la solitude est toujours cette aberration, ce handicap dont on rit parce qu’il fait peur, plus qu’une bosse dans le dos ou qu’un pied bot.
Dans cette scène, à juste titre fameuse du roman de Germaine Acremant, Telcide explique toutes les raisons qui ont fait d’elle une « vieille fille » avec « tout ce que ces deux mots expriment de rancœur et de désillusion ». Et toutes ces raisons cités comme autant de cas divers, on sent qu’elle les a toutes eues : la femme d’un seul amour qui ne l’aimait pas, la femme laide, la femme qui soignait ses parents malades. Et cette scène qui reste admirable, dite par une comédienne dont la vie privée s’exhibait irréprochable (bien qu’on en sache un peu plus aujourd’hui…) pour qu’on ne pût lui imputer un scandale, nous fait rentrer le rire dans la gorge.
C’est la toute première réalisation de Maurice Cloche qui bénéficie, pour l’interprétation, outre de la grande Moréno, des presque également grands Gabrielle Fontan, Mady Bery (dans un rôle trop bref), Alice Tissot et Pierre Larquey (un peu trop conventionnels, cependant). Accordons une petite mention particulière à Gabrielle Fontan, cette pauvre Rosalie qui est toujours malade, qui casse tout, qui tombe tout le temps, qui s’étouffe en buvant du champagne et qui ne peut pas marcher « à cause de ses snow-boots ». Autre mention pour Numès fils, dans le rôle de ce « crétin » d’Emile qui dit son invraisemblable quatrain pendant le repas de fiançailles.
Comme souvent dans les films de cette époque, les jeunes premiers sont plutôt nunuches. Micheline Cheirel dans le rôle d’Arlette parle carrément faux, mais elle est charmante.
On notera la musique de Germaine Taillefer qui composa peu pour le cinéma.
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