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Nannerl, la sœur de Mozart (2010) de René Féret
En 1766, la famille Mozart est invitée à la cour de Louis XV pour présenter le prodige de la famille, le jeune Wolfgang. Son père Leopold s’occupe de tout et exhibe son bambin comme un singe savant.
Anna-Maria Mozart, la mère, et Marie-Anne, la fille aînée dite « Nannerl », doivent suivre le génie et son mentor de père, même si Nannerl s’avère plus douée que son frère, bien que la composition et le violon lui soient absolument interdits par son père, car une femme ne saurait en aucun cas avoir du talent.
Lors du voyage, la famille s’arrête dans un couvent et Nannerl y fait la connaissance de Louise de France, la plus jeune des filles de Louis XV qui lui confie une lettre pour son frère le Dauphin.
René Féret est surtout célèbre pour ses histoires intimistes de famille, dans le Nord, sa région natale.
Bien qu’ici, il n’y ait pas de Nord et que l’histoire se situe au XVIIIème siècle, nous sommes bel et bien dans son style de prédilection.
Dans le film, il y a deux familles. Les Mozart et les Bourbons. La fille aînée des Mozart va faire la connaissance de la benjamine des Bourbon. Nannerl n’a pas le droit de jouer du violon, ni de composer parce que c’est une femme. Louise de France n’a pas le droit de régner parce que c’est une femme. Pour elle, c’est pire : elle est novice dans un couvent et y finira ses jours sans même pouvoir (loi salique oblige) succéder comme dauphine à son frère qui mourra avant leur père Louis XV. C’est au fils aîné de ce frère, le futur Louis XVI, que reviendront le trône et la couronne.
La famille Mozart n’est pas mieux lotie, tout au moins dans le film. Madame Mozart est totalement soumise à son mari Leopold qui régit tout dans la maison, Wolfgang, sale gamin capricieux et passablement vicieux (il cafte lorsqu’il voit sa sœur jouer du violon ou composer), Nannerl qui ne peut que ronger son frein et Leopold, tyran domestique, obtus et réactionnaire qui, au bout du compte, n’a pas d’affection pour ses enfants, ni d’admiration pour ce fils, le jeune Wolfgang qu’il exhibe comme un singe savant et qui ne représente guère pour lui qu’un moyen d’existence comme un autre.
Nannerl, tout en sensibilité et en révolte vaine, ne pourra que s’incliner comme elle s’inclinera devant sa « répudiation » par le capricieux Dauphin. Et c’est la petite Louise de France qui lui apprendra la soumission avec une résignation et une lucidité un peu effrayante chez une enfant si jeune.
Ces deux personnages sont incarnés par les deux filles du réalisateur et par là même, il se les approprie et nous montre que ce sont ses personnages préférés. Lors d’un entretien, René Féret a d’ailleurs déclaré qu’il était fier de ses filles : on le serait à moins !
Marc Barbé et Delphine Chuillot sont les parents Mozart et Clovis Forein est le Dauphin, tous trois excellents interprètes des personnages qui seront la perte de Nannerl.
C’est un film rare et beau, mal aimé, mal connu à côté duquel presque tout le monde est passé.
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