dimanche 5 février 2023

Nightmare Alley

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Nightmare Alley (2021) de Guillermo Del Toro

Dans les années 30, Stanton Carlisle se fait engager comme homme à tout faire dans un cirque qui mélange fête foraine et montreur de monstres.

Il se lie d’amitié avec madame Zeena, la voyante, qui travaille avec son mari Pete grâce à un code qu’ils utilisent entre eux pour escroquer le public.

Pete enseigne le code à Stanton, mais le met en garde : il ne doit jamais se faire passer pour un médium qui fait parler les morts.

Stan est attiré par Molly qui fait un numéro avec de l’électricité. Après avoir réussi à berner le shérif du coin qui veut coffrer tout le personnel du cirque, Stan s’enfuit avec Molly.

Grâce au numéro enseigné par madame Zeena, Molly et Stan se produisent dans les plus luxueux cabaret newyorkais.

C’est lors d’une soirée que Stan fait la connaissance de Lilith Ritter qui est psychanalyste.

Pour une fois, je serai d’accord avec les critiques et tout particulièrement avec celui qui a qualifié Nightmare Alley de « grand film ».

Il s’agit de la deuxième adaptation cinématographique du roman de William Lindsay Gresham paru en France sous le titre Le Charlatan qui était également le titre français de la première adaptation sortie en France en 1948, mais réalisée l’année précédente aux États-Unis par Edmund Goulding.

En général, dans le cas du remake actuel d’un film ancien, on encense celui-ci pour descendre celui-là. Ici, c’est plutôt le contraire. Le film de Goulding a certes énormément de qualité, mais on ne peut que difficilement le comparer au « grand film » de Del Toro.

Bien sûr, le film de Goulding est un film noir « de son temps » : rythme soutenu, plans fixes, morale intangible très présente y compris dans ce qu’on peut qualifier de « Happy End ».

Ici, la caméra est très mobile, le rythme est excellent, mais pas trépident et l’esthétique est la même que dans les autres films de Del Toro, mais au service d’un scénario autrement plus intéressant que d’habitude avec cette ambiance toujours nocturne (même dans les séquences diurnes) et très poisseuse, même dans la deuxième partie qui se situe dans un milieu plus huppé.

Pendant toute la première partie, le film est assez similaire à la version Goulding, alors que le roman, semble-t-il[1], est un flash-back.

Bien que poisseux dans ce qu’il raconte et dans ce qu’il montre, la production est tout-à-fait luxueuse de même qu’est luxueux son casting : à Joan Blondell, Coleen Gray et Helen Walker, actrices relativement peu connues, succèdent Toni Colette, Rooney Mara et Cate Blanchett alors que Bradley Cooper succède, en mieux, à Tyrone Power sous la défroque du « Charlatan » Stan Carlisle.

Ce sont donc trois femmes qui vont amener Stan à suivre sa destinée : les deux premières seront ses « bonnes fées » dont il fait des instruments qui assureront son ascension, la première en lui mettant le pied à l’étrier, la deuxième qui sera sa complice pas toujours consentante, alors que la troisième, sorte d’avatar de la troisième sorcière de Macbeth, sera celle qui l’instrumentalisera, lui, et causera sa perte, ici irréparable alors que le film de Goulding, plus selon la morale de son époque, lui ouvrira l’espoir d’une rédemption.

Malgré une plus grande proximité dans le temps entre Goulding et Tod Browning, c’est Del Toro qui emporte la filiation avec Freaks, tout particulièrement dans la résolution du film.

A propos de Freaks, je terminerai par une parenthèse que je ne peux pas m’empêcher de trouver amusante : le monstre de foire, un homme décervelé qu’on nous montre dans les deux films et qui « mange des poulets vivants », est qualifié de « crétin » dans les sous-titres des deux films alors que le mot anglais est… « geek » ce qui devrait nous laisser rêveur quand on pense à l’acceptation « moderne » du terme !...



[1] Je n’ai pas lu le roman.

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