Le Président (2010) d’Yves Jeuland
Sans rien indiquer de son passé politique et personnel, nous suivons Georges Frêche du mois de septembre 2009 jusqu’à sa réélection le 21 mars 2010. Nous suivons pas à pas cette campagne électorale aussi haute en couleur que son candidat.
Machiavel dans le texte ! Georges Frêche au milieu de tous ses « collaborateurs » et autres cireurs de pompes (et je dis cireur de pompes parce que je suis dans un bon jour !) ressemble à un gros chat qui serait entouré d’une cour de souris.
Matois, faux jeton, menteur, d’une mauvaise foi rare, même en politique (il faut le faire !), le président de la région Languedoc-Roussillon est parfaitement incontrôlable, y compris (et peut-être surtout) pour ses propres troupes. C’est aussi ce qui en fait (ou plutôt en faisait, puisqu’il est décédé le 24 octobre 2010) un personnage haut en couleur.
Ici, c’est le roi qui est un bouffon et la cour doit rire de bon cœur. Mais si lui est souvent drôle, eux sont toujours ridicules et, naturellement, l’histrion démago fait figure de génie.
Frêche n’est peut-être pas génial, il est indéniablement d’une intelligence hors norme et on peut regretter de ne voir que le clown alors que c’est la seule image qu’il ait consenti à donner de lui en public.
Il est vrai qu’après avoir mené 30 campagnes, il sait de quoi il retourne. Il en a fait trois très sérieusement qu’il a perdues. Les autres campagnes, il les a menées en faisant le mariole et il les a toutes remportées. C’est, du moins, ce qu’il raconte et, après tout, est-ce que c’est vrai ?
Car c’est là le grand danger du populisme : on débite des vérités premières qui vont dans le sens du poil, on ne ment pas complètement, on s’arrange avec la réalité et lorsque ça ne suffit pas, on plonge avec délice dans le mensonge et comme disait un de nos présidents bien connu pour ses mensonges : « Plus c’est énorme, plus ça passe ! ». C’est d’ailleurs ce même président (Chirac pour ne pas le nommer) qui, confronté lors d’un débat à son prédécesseur (Mitterrand, pour ne pas le nommer), se retrouva publiquement tout couillon d’avoir voulu jouer les vertueux (lors du fameux échange : « Pouvez-vous affirmer en me regardant dans les yeux… ? », « J’affirme, en vous regardant dans les yeux… ! »), alors que Mitterrand mentait, que Chirac le savait et que nous le savions tous !
Frêche va presque plus loin en racontant une histoire à faire pleurer Margot et sur laquelle il réussit lui-même à se faire pleurer, celle de son père partant pour Toulouse, pieds nus, portant ses sabots sur le dos, avant d’avouer une demi-heure plus tard en se tapant sur les cuisses que c’est absolument faux puisque son grand-père était riche et que son père n’avait jamais été pauvre.
Le plus pénible, ce n’est pas le mensonge, c’est l’aveu presque public (puisque le film de Jeuland est public) du mensonge, le « foutage de gueule » non seulement assumé, mais carrément revendiqué par cette grosse rigolade entre Frêche et son état-major.
Son attitude vis-à-vis de cet état-major est d’ailleurs assez révélatrice. Cette sinistre bande de crétins n’en finissent pas de le pousser à se victimiser, à se diminuer : il y en a même un, le pire, qui lui dit, alors qu’il sera opéré et qu’il ne boitera plus, qu’il devrait garder sa canne (ce que Frêche avait probablement en tête, mais n’avait sûrement pas envie de confier, fut-ce devant la caméra « amie » de Jeuland) ! Mais « Le Président » sait bien qu’il n’est bon qu’en bravache, certainement pas en victime : il se moque de ses « conseils » en faisant rigoureusement ce qu’il veut et comme il le sent, en sachant qu’il a (presque) toujours raison !
Et c’est la grande leçon du film de Jeuland, même si c’est consternant : tous ces « chargés de communication », « directeurs de campagne » et autres « éditeurs », stupides, incultes, quasi illettrés, pleins de morgue, s’estimant importants parce qu’ils sont à tu et à toi avec un potentat local, bref tous ces ploucs ont décidé une bonne fois pour toutes qu’ils étaient assez futés pour manœuvrer les crétins que nous sommes. Et le plus consternant est qu’ils n’ont pas complètement tort !
Yves Jeuland avait promis à Frêche qu’il serait le premier spectateur du film : c’est la seule promesse qu’il n’a pas pu tenir, puisque Frêche est mort alors que le film était encore au montage.
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