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My Fair Lady (1964) de George Cukor
Eliza Doolittle vend des fleurs dans les rues des quartiers chics de Londres. Pourvue d’une langue bien pendue et d’un accent cockney à couper au couteau, elle est remarquée par un « gentleman » dont le hobby est la phonétique. Il a parié avec son ami le colonel Pickering qu’il pourrait faire passer Eliza pour une princesse.
Mais la tache est rude et l’élève est rétive.
C’est le mythe du sculpteur grec Pygmalion, misogyne et misanthrope qui inspira George Bernard Shaw et c’est tout naturellement que sa pièce s’intitule Pygmalion.
Dans un premier temps, Shaw collabora à l’adaptation cinématographique de sa pièce pour Alexandre Asquith et Leslie Howard. Cette version était produite par Gabriel Pascal qui demanda à Shaw d’écrire une scène de bal, absente de la pièce.
Après la mort de Shaw, Gabriel Pascal contacta un certain nombre de librettistes et de compositeurs (Cole Porter, Rodgers et Hammerstein, Leonard Bernstein) jusqu’à ce qu’il obtint l’accord d’Alan Jay Lerner et Frederick Loewe.
Jack Warner décida d’en faire un film et s’occupa de tout : il racheta les droits du Pygmalion d’Asquith et Howard, engagea Minnelli qu’il jugea trop cher et qu’il remplaça par Cukor. Il garda des représentations de Broadway Rex Harrison qui interprétait Higgins et Stanley Holloway dans le rôle d’Alfred Doolittle, mais il ne voulut pas de l’interprète d’Eliza qui n’avait jamais fait de cinéma et s’appelait Julie Andrews.
Le producteur dut s’en mordre les doigts, car si My Fair Lady obtint huit oscars (dont celui du meilleur film) et fut treize fois nommé, Audrey Hepburn, l’interprète voulue par Warner, n’obtint pas même une nomination. Cette année-là, l’oscar de la meilleure interprète féminine alla à… Julie Andrews qui débutait au cinéma dans le rôle de Mary Poppins.
My Fair Lady est un joyau : pas vraiment un chef d’œuvre, mais un film délicieux, un film culte qu’on ne se lasse pas de revoir ou, tout au moins, dont on ne se lasse pas de revoir des morceaux choisis, car 2h45, c’est peut-être un peu excessif, surtout si on le compare aux 95 mn de son prédécesseur, le film d’Asquith. Et pouvoir comparer les deux films permet de constater que My Fair Lady doit énormément au Pygmalion de 1938.
La partition de Loewe est charmante et contient au moins quatre « standards » de la musique américaine : With a Little Bit of Luck, Get me to the Church on Time et les deux incontournables On the Street Where You Live et I Could Have Danced all Night.
En fait, il est plus que probable que si Hepburn n’obtint pas l’oscar, c’est surtout parce que Warner ne voulait pas qu’elle chante.
Or, Marni Nixon (qui avait déjà doublé Deborah Kerr dans The King and I et Natalie Wood dans West Side Story) qui doublait Hepburn avait peut-être une voix un peu trop lyrique pour être crédible par rapport à l’actrice. Il en va de même pour Bill Shirley, la voix chantée de Jeremy Brett.
Mais malgré quelques défauts, on ne peut qu’être enchanté par cette musique vive, par cette mise en scène élégante et par la perfection des décors et des costumes de Cecil Beaton. Et c’est toujours un plaisir de revoir les séquences Wouldn’t it Be Lovely, I Could Have Danced All Night ou la gavotte d’Ascot qui précède la scène hilarante du thé aux courses et de la course elle-même.
Non, My Fair Lady n’est pas un chef d’œuvre, mais il fait partie de ces films dans lesquels on se sent bien. Et ils sont suffisamment rares pour qu’on y soit attachés.
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