vendredi 17 février 2023

Camille

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Camille (2019) de Boris Lojkine

En mai 2014, un détachement de l’armée française en Centrafrique croise quelques hommes qui les arrêtent pour leur montrer des cadavres qu’ils transportent. Parmi ces cadavres d’hommes noirs, il y a le cadavre d’une femme blanche.

Quelques temps auparavant, Camille Lepage se rend au Festival de la photo de Perpignan. C’est une photographe originaire d’Angers. Elle est passionnée de photojournalisme.

Elle va devenir un témoin majeur de la guerre civile en Centrafrique qui oppose Chrétiens et Musulmans.

Camille Lepage a été assassinée en République Centrafricaine le 12 mai 2014 à l’âge de 26 ans.

Boris Lojkine était documentariste avant de tourner sa première fiction en 2014, Hope. C’est probablement pourquoi il réussit à faire ici un faux documentaire totalement réussi.

Car il a cette immense qualité qu’ont ceux qui « ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent » avec un sujet. Il n’amène pas ce sujet à lui, il plonge dedans.

Et ça apparait dès le départ avec ce curieux format de 1:55, à mi-chemin entre le panoramique français (1:66) et le format standard (1:37). Et ce format, c’est celui des photos de Camille Lepage, des photos qui se mélangent aux plans de Camille photographiant, alors que ces plans sont une reconstitution de situations réelles qui ont été photographiées, mais jamais tournées.

Boris Lojkine reconstitue donc une réalité assez stupéfiante, celle d’une femme qui, visiblement, n’avait peur de rien et qui évolue dans un milieu guerrier patriarcal au sein duquel les hommes sont visiblement très agacés de voir cette toute jeune femme oser les photographier, leur tenir tête et même, quelquefois, les « mettre en scène ».

Il en va de même pour le casting : des comédiens (parmi lesquels nous trouvons quelques noms connus comme Bruno Todeschini, Mireille Perrier et Augustin Legrand) SONT ces personnages sans les jouer. Nina Meurisse EST Camille Lepage et cela va bien au-delà de sa ressemblance avec la jeune photographe. Grâce à la comédienne, Camille Lepage revit complètement devant nous jusqu’au plan final de cette file interminable au milieu de laquelle Camille marche vers ce qui sera son dernier reportage, un plan qui m’a rappelé celui des prêtres de Tibhirine dans le film de Xavier Beauvois Des hommes et des dieux.

Avec brio, Camille floute (le comble pour l’histoire d’une photographe) la frontière entre la fiction et le documentaire.

Une fiction tourné comme un documentaire qui serait une fiction. Un film unique et une réussite totale.

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