mercredi 23 septembre 2020

Petit pays

 

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Petit pays (2020) d’Éric Barbier

En 1993, Gaby vit à Bujumbura, capitale du Burundi, sa ville natale, auprès de son père Michel de sa mère Yvonne et de sa petite sœur Ana.

Michel est français et Yvonne est une Rwandaise Tutsi. Le couple traverse une mauvaise passe, ce que perçoit Gaby, mais pas Ana qui est trop jeune.

Gaby fait partie d’une petite bande de garçons de son âge qui se gavent de mangues (qu’ils ont volé dans un jardin) et qui font des petites bêtises.

Mais juste après les élections présidentielles qui portent un Hutu à la présidence, la guerre civile éclate au Burundi qui sera suivie du génocide des Tutsis dans le pays voisin, le Rwanda, évènements dont les victimes des deux ethnies rendent les colons blancs, Français ou Belges, responsables.

Tout le monde a en mémoire l’effroyable génocide au Rwanda qui se déroula entre le 7 avril et le 17 juillet 1994 : 100 jours (101, très exactement !) pour 800 000 assassinats, majoritairement de Tutsis.

Mais qui se souvient qu’une des origines de ce génocide (qui ne fut pas unique dans l’histoire du pays même si ce fut le plus important) se trouve dans le pays voisin, le Burundi.

Comme toujours dans les conflits inter-ethniques africains, il y a, au-dessus, l’ombre de l’ex-colonisateur qui entretient soigneusement, les haines internes : ça s’appelle « diviser pour régner », un adage bien connu, mais souvent sous-évalué.

Au Burundi, ce fut la Belgique (qui succéda, en 1918, à l’Allemagne comme « tuteur » du pays) qui favorisa outrageusement les Tutsis (comme l’avaient fait les Allemands) pendant le temps de la colonisation, Tutsis qui continuèrent à tenir le haut du pavé jusqu’en 1972.

Et les Belges firent la même chose de l’autre côté de la frontière rwandaise.

Certains critiques ont été « étonnés » d’aimer un film d’Éric Barbier (ce qui montre, s’il en était besoin, la prégnance du préconçu des critiques à propos des réalisateurs). Le film est très apprécié, particulièrement dans l’adaptation du roman de Joël Faye par le réalisateur et son interprète, Jean-Paul Rouve.

Jean-Paul Rouve excelle également dans le rôle de Michel, coincé dans sa position de « colon » et dans l’implosion de son couple dans ce pays, également en train d’imploser.

Tous les interprètes sont excellents, mais on retient tout particulièrement le jeune Djibril Vancoppenolle dans le rôle principal, celui de Gaby et Isabelle Kabano dans le rôle d’Yvonne qui va assister au génocide rwandais et devenir folle.

La scène atroce où elle « torture » sa toute petite fille qui, la pauvre enfant, terrorisée, ne comprend rien, est l’une des deux scènes insoutenables du film avec celle du lynchage par le feu du garçon hutu.

La force du film, c’est justement un certain sens de la nuance et cette intelligence avec laquelle il décortique cette haine raciale sans effet de manche, sans grandiloquence et sans discours bobo-consensuel du type « Le racisme, c’est pas bien ! ».

Un film qui résume le racisme dans une boutade : ce serait une question de nez !

Et c’est pourtant vrai, le racisme ne tient souvent qu’à ça !

 

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