Trumbo (Dalton Trumbo) de Jay Roach (2015)
En 1947, Dalton Trumbo est un scénariste adulé et très prisé. Il travaille vite et il travaille bien.
Comme beaucoup de ses collègues, ses opinions de gauche et son antimilitarisme l’ont poussé à être sympathisant du parti communiste américain dans la deuxième moitié des années 30.
Lorsque la guerre contre l’Allemagne et le Japon se termine, « un rideau de fer [s’abat] sur le continent [européen] » comme le dit Churchill et la guerre froide commence.
Et commence alors également, aux Etats-Unis, une « chasse aux sorcières » vis-à-vis de tout ce qui peut apparaître simplement à gauche. Lorsque Dwight Eisenhower devient président en 1950, cette chasse tourne à l’hystérie et, à Hollywood, tout ce que l’industrie du cinéma peut compter de forces de droite (les acteurs John Wayne, Robert Taylor, l’échotière Hedda Hopper, etc…) relaie les diatribes de l’obscur député du Wisconsin, Joseph Mc Carthy que son anticommunisme viscéral a placé au-devant de la scène.
Toutes les personnalités hollywoodiennes font alors l’objet d’une enquête du FBI et doivent répondre de leurs amitiés, présentes ou passé, avec le parti communiste américain et avec ses membres.
Dalton Trumbo refuse de répondre au nom du premier amendement à l’article premier de la constitution américaine. Il est mis en prison.
De la liste des dix blacklistés d’Hollywood, Dalton Trumbo est le plus célèbre. Il y avait, dans cette liste de sinistre mémoire, neuf scénaristes et un réalisateur, Edward Dmytryk. L’un des scénaristes était également réalisateur, Herbert J. Bibermann.
Seul Edward Dmytryk se rétracta et « donna » 26 de ses collègues, ce que la profession et la critique ne lui pardonna jamais, à l’exception pas vraiment notable de notre Diafoireux national, vieux critique américanophile hystérique, communistophobe à la cinéphilie de boy-scout maréchaliste qui signa il y a peu, à propos du film dont il est question ici un article qu’on ne peut qualifier que de dégueulasse dans la revue dont il est (on se demande bien par quelle aberration) rédac-chef.
Revenons donc à Trumbo en général et à ce film en particulier, un film qui n’a pas – loin s’en faut ! – que des qualités.
Il est très lourd, très bavard et très poussif. Il est également lourdement démonstratif, comme tous les blockbusters américains « à thèse ».
Et, bien évidemment, on se prend à regretter que Dalton Trumbo ne soit « que » le titre du film et non le nom du scénariste.
De fait, mis à part une ou deux considérations gnan-gnan sur le communisme, le film a tendance à verser dans l’hagiographie en glissant pudiquement sur certaines prises de position que nous pouvons, aujourd’hui, considérer comme des erreurs de jugement, notamment en ce qui concerne le pacifisme (en 1938, puis en 1940) d’Américains – en fait, d’une majorité d’Américains – qui ne souhaitaient pas l’entrée en guerre des Etats-Unis : le livre Johnny Got His Gun a été écrit par Trumbo à cette époque-là.
En 1972, l’adaptation de son propre roman sera l’unique réalisation de Dalton Trumbo.
Bien entendu, le film se cantonne aux années 50 et au maccarthysme. Si ce n’était quelques maladresses, on peut dire qu’il rend assez bien l’ambiance délétère de l’époque.
Evidemment, on aurait préféré un film moins univoque, un scénario plus fin (à la Trumbo, quoi !) et un discours moins caricatural : Edward J. Robinson, cédant et honteux d’avoir cédé, John Wayne « droit dans ses bottes », Cleo Trumbo, aussi héroïque que son mari, Arlen Hird, conscience de Trumbo, Kirk Douglas, enthousiaste et rusé, Otto Preminger, impérial, et surtout, Edda Hopper, très « chargée » dans le film ce qui est bien vu, mais un peu caricatural tout de même.
Un personnage se détache, c’est Frank King, le bulldozer producteur de séries Z qui continuera à employer Trumbo contre vents et marées. Le personnage doit beaucoup à la truculence de son interprète, le grand John Goodman.
A force de s’étirer, le film finit même par se prendre les pieds dans la chronologie : comment Niki Trumbo, fille de Dalton, peut-elle passer de l’état de gamine pré-pubère à celui de jeune femme en l’espace des onze mois que son père passe en prison ?
D’ailleurs au niveau des interprètes, on va du superbe Goodman (précité), Christian Berkel (Otto Preminger) et, bien sûr, Helen Mirren (Edda Hopper) à des seconds rôles tellement fades qu’on n’a pas envie de les citer. Bryan Cranston endosse le rôle-titre sans génie excessif, mais sans cabotinage gênant ce qui est une bonne chose.
Mais tout ça est bien plan-plan et bien fade. Après la déception du film de Clooney, il y a dix ans (Goodnight and goodluck), on attend toujours (et on attendra peut-être longtemps !) le grand film hollywoodien sur le maccarthysme et le cinéma !
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