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Remains of the day (Les Vestiges du jour) (1994) de James Ivory
Un maître d’hôtel, plus britannique qu’il est humainement possible, ne vit que pour le service de « son Lord ». Même la nouvelle gouvernante dont il ne tarde pas, visiblement, à tomber amoureux, ne saurait le détourner du droit chemin.
Il est réservé, ponctuel, méticuleux et discret : et lorsque son maître, aristocrate partisan d’un rapprochement avec l’Allemagne nazie (nous sommes en 1938), le charge de congédier deux petites bonnes allemandes qui ont le malheur d’être juives, ce qui risque de gêner certains invités du château, le maître d’hôtel s’exécute (« sans hésitation, ni murmure », à l’image de l’obéissance qui était exigée des fonctionnaires français à l’époque : on sait où ça nous a mené ! ...).
Dans ce contexte, le maître d’hôtel et la gouvernante ne vont pas tarder à se heurter. Car la gouvernante, elle, n’a pas fait de son métier un sacerdoce.
Et lorsqu’ils se retrouveront bien des années plus tard, lui inchangé, elle pratiquement grand-mère, ils parleront de choses et d’autres, mais ne se diront rien d’essentiel.
Château et campagne anglaise, lord et « butler » mis en scène par Ivory : le pire était à craindre (The Bostonians). Mais l’esthétisme froid et ailleurs lourd de l’Américain fait ici merveille.
Pour une fois, Ivory est pudique sans chichis et délicat sans ostentation. Les rôles secondaires sont parfaits, mais le film repose entièrement sur les épaules d’Anthony Hopkins et Emma Thomson.
Cette histoire, où ce qui semble essentiel est dans le paraître (« Votre présence ici est vitale » dit le lord au maître d’hôtel), ressemble aux sujets de prédilection d’Ivory. Mais ici, il y a un petit quelque chose qui fait la différence, qui rend cette esthétique d’Ivory essentielle alors qu’elle embrouillait dans ses autres films.
Et ce petit quelque chose (le roman d’Ishiguro, peut-être !) lui permet de réaliser son meilleur film.
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