lundi 11 avril 2022

La Belle endormie

 

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La Bella adormentata (La Belle endormie) de Marco Belocchio (2012)

 La justice italienne vient d’autoriser Beppino Englaro à débrancher le respirateur et les perfusions qui maintiennent sa fille Eluana en vie depuis 17 ans qu’elle est plongée dans un coma artificiel.

Nous sommes le 23 novembre 2008 et l’histoire d’Eluana divise l’Italie entre le Mouvement pour la Vie qui s’oppose à un projet de loi sur l’euthanasie et les différents mouvements qui réclament une loi sur le droit à mourir dignement.

Uliano Befardi est député de Forza Italia, mais il hésite à voter la loi qui interdirait les arrêtés similaires à celui qui vient d’être proclamé à propos d’Eluana.

A l’inverse, sa fille Maria, avec qui il a des rapports difficiles depuis la mort de sa femme, milite au sein du Mouvement pour la Vie.

Divina Madre, une ex-actrice de cinéma, ne vit que pour surveiller sa fille plongée, comme Eluana, dans le coma depuis des années.

Roberto qui milite pour l’euthanasie, tombe amoureux de Maria Befardi.

On se souvient de cette triste affaire qui permit au président du conseil (notez les minuscules !), le sous-profasciste guignolesque pas drôle Benito Berlusconi une de ses « saillies » dont il a le secret : il n’était pas question de « délivrer » une femme jeune par la mort, alors qu’elle était en âge d’être enceinte : il aurait peut-être dû la faire « monter » (comme une jument) par tout un régiment pour voir si une grossesse pouvait être menée à son terme dans ces conditions. A moins qu’il n’ait pensé faire la chose lui-même ! (Penser que les Italiens ont pu mettre au pouvoir un déchet de ce niveau –et plusieurs fois en plus !- me pose beaucoup de problèmes vis-à-vis d’un peuple et d’un pays que j’ai bien connus et que j’aime !...) Mais trêve de berlusconneries !

Le débat sur l’euthanasie est aussi ancien que les religions les plus anciennes. Belocchio ne prend partie ni pour, ni contre, si ce n’est que les suppôts de curetons ne semblent pas particulièrement attirer sa sympathie.

En fait, il tente de faire un film choral sur le sujet : un homme politique, ex-socialiste ayant des choses à se reprocher, tombé dans l’escarcelle berlusconienne, mais néanmoins sceptique sur le projet de loi « anti-euthanasie » du neo-duce, sa fille catholique pratiquante qui soupçonne son père d’avoir « abrégé les souffrances » de sa mère, une jeune femme suicidaire, le jeune médecin qui veut l’empêcher de mourir, une ex-comédienne qui ne vit plus que pour sa fille plongée dans le même coma qu’Eluana, son fils et son ex-mari qui ne peuvent plus supporter de se laisser bouffer par cette sœur et fille présente-absente et deux frères fusionnels dont l’aîné tombera amoureux de la fille du député, ce que son frère lui reprochera.

En son temps et en France, André « Gros sabots » Cayatte nous aurait offert un film bien militant, en enfonçant bien les clous : les anti-euthanasie, avatars réactionnaires et stupides, contre les pro-euthanasie, esprits libres.

C’est précisément ce que refuse Belocchio. Seulement voilà : sa recherche d’objectivité se retourne contre le film qui semble ne plus rien raconter et le mélange de l’Histoire (le coma d’Eluana) et des histoires (les antagonismes de la comédienne et de son fils, du député et de sa fille, de la suicidaire et du jeune médecin, des deux frères…) finissent par donner un maelström saoulant, un peu vain et franchement laborieux.

Au bout du compte, Belocchio semble ne s’intéresser vraiment qu’à un seul personnage, le député et c’est très exactement pareil pour le spectateur.

C’est peut-être dû aussi à l’interprète du député Beffardi, le fabuleux Toni Servillo qui domine, et de loin, une distribution inégale qui va des excellents Maya Sausa (Rossa), Piergiorgio Belocchio Jr (Dottor Pallido) et Gianmarco Tognazzi (le mari de Divina Madre) au sans-intérêt Alba Rohrwacher (qui n’est pas très aidée dans le rôle de la gourdiflotte Maria) ou Michele Rondino et Bruno Placido (les deux frères).

Quant à Isabelle Huppert, elle réussit à être encore plus mauvaise que dans sa prestation de mère supérieure lesbienne dans La Religieuse de Guillaume Nicloux.

Bref, loin des critiques unanimes et bêlants (on ne touche pas au grand Belocchio), je me suis quand même bien cassé les pieds.

Quelques beaux moments rehaussent le niveau. Ce n’est pas à fuir, ce n’est que pas très intéressant.

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