jeudi 19 mai 2022

Amour tragique

 

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Beware of Pity (Amour tragique) de Maurice Elvey (1949)

A la fin de la deuxième guerre mondiale, le capitaine Anton Marek sermonne un de ses jeunes lieutenants qui se sent contraint par un serment fait à une jeune fille dont il a eu pitié. Ce sentiment, cette « pitié dangereuse », le capitaine Marek l’a connu, juste avant la première guerre.

A cette époque, le jeune lieutenant Marek était en garnison dans la petite ville de Kekesfalva. Il devient très vite un habitué du château de Kekesfalva : en fait, il tient compagnie à la fille du baron dont les jambes sont paralysées à la suite d’un accident de cheval.

Peu à peu, Edith tombe amoureuse d’Anton et le jeune homme se sent prisonnier de sa pitié envers la jeune handicapée.

Stefan Zweig jouit d’une grande réputation (justifiée) de novelliste et d’essayiste. Son œuvre ne contient qu’un seul roman, La Pitié dangereuse dont ce film est adapté.

Zweig n’a jamais eu beaucoup de chance avec le cinéma si l’on excepte Lettre d’une inconnue de Max Ophuls, La Confusion des sentiments d’Etienne Perrier et La Ruelle au clair de lune d’Edouard Molinaro. Je ne parlerai pas de La Pitié dangereuse du même Molinaro que je n’ai pas vu.

Cette globale « incompréhension » du cinéma pour l’œuvre de Zweig venait d’un défaut d’adaptation, d’un ratage par rapport à l’œuvre originale

Ici, le problème est différent. Pour la première fois, Zweig écrit un roman, projet qu’il avait caressé pendant de longues années. Mais le roman ne lui convient pas : La Pitié dangereuse est un roman lourd, répétitif, agaçant comme le sont toujours les nouvelles « étirées ».

L’histoire de ce petit lieutenant, assez balourd et assez falot au bout du compte, qui se trouve confronté à l’amour passionné d’une jeune paraplégique capricieuse qui jette son handicap à la tête de son entourage et en fait l’objet d’un chantage répugnant et permanent, est somme toute tout à fait inintéressante.

Marek (Hoffmiller dans le roman) n’aime pas Edith. Mais ce qu’on appelle aujourd’hui le « politiquement correct » fait qu’il devrait se forcer à l’aimer. Evidemment, c’est tout le sujet et ce qui justifie le titre du roman, ce qui sépare la pitié de la compassion.

Car Marek n’éprouve aucune compassion pour Edith. Il ne semble d’ailleurs ne rien éprouver pour elle : peut-être un peu de pitié, mais nulle compassion et même aucune amitié. Le personnage d’Edith n’attire, du reste, aucune sympathie. Elle dirige un petit monde de gens asservi à son handicap (son père, sa cousine, les domestiques) et on finit par très mal comprendre cette allégeance exaspérante aux caprices d’une petite dinde qui n’a pour tout mérite que de se déplacer en chaise roulante.

L’adaptation et la réalisation, pâlichonnes l’une comme l’autre, ne sont pour rien dans cet échec « zweigien » du cinéma. C’est le roman lui-même qui joue sur des ressorts cassés. Même la grande Lilli Palmer ne parvient pas à faire du personnage antipathique et inintéressant d’Edith quelque chose de touchant. Comment aurait-elle pu ?

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