Superstar (2012) de Xavier Giannoli
Martin Kazinski dirige une équipe de handicapés au sein d’une entreprise qui recycle les ordinateurs mis à la casse.
Il est célibataire, il n’a rien écrit, n’est jamais passé à la télévision.
Un matin, dans le métro, les autres passagers commencent à la photographier et à lui demander des autographes.
Dans la rue, c’est la même chose et Martin ne comprend toujours pas ce qui lui arrive. Il fait appel à un avocat et l’avocat le met en contact avec Fleur Arnaud qui est journaliste dans une petite chaîne de télévision et qui pense tenir un bon sujet.
Martin, quant à lui, voudrait juste que ça s’arrête.
On peut évacuer la question de l’odieux plagiat que Monsieur Woody Allen, sommité très vieillissante du monde du cinéma, s’est permis sur ce film de Xavier Giannoli dont la notoriété est (question de génération) bien moindre. Monsieur Allen ne sort pas grandi de l’affaire.
Il y a quelques années, on reprochait aux producteurs d’user la notoriété d’un comédien jusqu’à la corde en le faisant tourner cinq à six films dans l’année. Et parmi les comédiens ainsi décriés, Kad Merad a reçu son lot : c’était juste après Bienvenue chez les Cht’is.
Et c’est paradoxalement alors qu’on le voit moins qu’on peut saisir, précisément ici, ce qui fit sa notoriété. On peut dire qu’en tant que « Superstar », il joue à n’être personne… comme personne. En tous cas, bien mieux que l’ignoble Benigni, grotesque cabot, mais stop… j’ai dit que je ne parlerai plus de WA !
On retrouve chez Giannoli cette obsession de la marche inexorable, non pas du temps, mais des évènements qui entraîne les personnages qui courent à leurs pertes sans pouvoir s’arrêter.
Evidemment, le héros de A l’origine se retrouvait victime d’une notoriété qu’il avait désirée et qu’il avait lui-même forgée.
Kazinski, lui, n’a jamais rien demandé à personne. Il semble qu’il soit tout simplement victime d’un complot réalisé, naturellement, pour des raisons de marketing et très facile à réaliser : il s’agit de la fameuse blague qui consiste pour un petit groupe de personne de s’arrêter dans la rue, de regarder tous dans la même direction (si possible en l’air, ça se voit mieux). Un badaud va s’arrêter, puis deux, puis trois, puis dix, puis vingt. Avec un peu de chance, on peut créer une émeute.
A l’ère d’Internet, c’est encore plus facile ! On peut créer n’importe quel « évènement » totalement bidon.
Et plus Kasinski va essayer d’en sortir, plus il va resserrer le filet autour de lui jusqu’à ce qu’il paie lui-même l’overdose qu’on ressent vis-à-vis de cette notoriété. Il ne va pas être oublié (pas tout de suite en tous cas) : il va d’abord être haï, attaqué, blessé.
Tout le talent de Giannoli nous fait pressentir le danger lorsque des gens « banals » vont reconnaître Kazinski dans le supermarché : derrière leurs ovations de façade, on sent l’hystérie et la haine, même s’ils n’exprimeront cette haine qu’un peu plus tard. Cette superbe scène est la plus terrifiante du film.
En revanche, c’est justement lorsque baisse la popularité de Kasinski que le scénario semble se prendre les pieds dans le tapis. Les deux scénaristes (le réalisateur et Marcia Romano) semblent avoir souffert de ce que j’intitule le « Bon qu’est-ce qu’on fait maintenant ? ». On a tellement tiré sur l’histoire qu’on ne sait plus quoi faire de ce pauvre héros. Et ce qui est dommageable, surtout dans un bon film comme c’est le cas ici, c’est qu’arrivé à ce point-là les scénaristes font souvent n’importe quoi et pour conclure à tous prix, ils font faire à leur histoire et à leurs personnages à peu près n’importe quoi.
Kasinski a toujours refusé sa notoriété. De la même manière, il refuse sa contre notoriété. Mais pourquoi son retour dans l’anonymat ne semble-t-il pas le satisfaire non plus ? Et pourquoi continue-t-il à demander des explications puisqu’il sait, désormais, que personne ne lui en donnera, car personne ne veut lui en donner, car personne ne peut lui en donner ?
Du coup, la deuxième partie paraît beaucoup plus faible.
Mais on ne peut pas oublier des scènes assez fabuleuses comme celle du supermarché (que j’ai citée) ou celle du producteur qui ne veut jamais comprendre ce que dit Kasinski et qui peut se résumer à un échange surréaliste : « Je ne veux pas être filmé ! », « C’est ce refus que je veux filmer ! ».
Les scénaristes ont ménagé un joker à leur héros, c’est Alberto, le transsexuel, dont l’invraisemblance plombe le film, sans parler de l’anecdote « mafia cul » dans laquelle Kasinski se retrouve piégé dans une machination qui servira à attiser la haine à son égard. Là, on peut dire que Giannoli a un peu trop chargé la barque !
La distribution est parfaite, même si le personnage de Jean-Baptiste (le méchant) est peut-être un peu trop « chargé » lui aussi. Cécile de France et Kad Merad sont superbes et j’ai découvert un très bon comédien, Cédric Ben Abdallah dans le rôle de l’animateur télé, ignoble petit arriviste qui sera broyé par le système, mais continuera, même éclopé.
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