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Le Vampire de Düsseldorf (1964) de Robert Hossein
Au début des années 30, un meurtrier sadique tue en série des jeunes femmes et met en échec la police. Baptisé par la presse « Le vampire de Düsseldorf », il s’agit d’un nommé Kürten, ouvrier bien tranquille et apprécié de son entourage.
Timide et renfermé, Kürten est amoureux d’Anna, une chanteuse de beuglant.
Pendant ce temps, la police continue d’enquêter en pure perte, alors que les nationaux-socialistes fondent leur syndicat, font du prosélytisme dans les usines et que d’autres cadavres sont trouvés un peu partout en Allemagne, des cadavres en grand nombre qui n’ont rien à voir avec « Le vampire de Düsseldorf ».
L’histoire du Vampire de Düsseldorf est des plus singulières. Non pas l’histoire en soi : les tueurs en série ont toujours existé et celle-ci est tragiquement semblable à toutes les autres.
Mais sa quasi-contemporanéité avec la prise du pouvoir par Hitler et les gigantesques « meurtres en série » qu’on allait voir pendant douze ans ont fait de ce fait divers un prélude à la fois tragique et dérisoire.
Une autre singularité retient l’attention sur cette affaire : elle allait servir de base à trois films dont les deux derniers réalisés rendaient ouvertement hommage au premier pourtant beaucoup moins fidèle qu’eux-mêmes au fait divers qui les a inspirés.
Ce premier film, c’est naturellement M le maudit de Fritz Lang. Le troisième, c’est La Tendresse des loups d’Ulli Lomel, en 1973, la plus fidèle « adaptation » de cette histoire sanglante puisqu’on y voyait « le vampire » tuer ses victimes d’une morsure dans le cou et pratiquer le cannibalisme.
Pris en sandwich entre le chef-d’œuvre de Lang et le très estimé film de Lommel, produit par Fassbinder qui y interprétait un rôle secondaire, le film d’Hossein a été (et est encore) décrié, voire moqué. Robert Hossein qui s’est, depuis, fourvoyé dans tout et n’importe quoi, est marqué du sceau infamant de metteur en scène de grandes messes théâtrales, populaires, démagogiques et nunuches.
De plus, il allait enchaîner le tournage du Vampire de Düsseldorf avec celui d’Angélique, marquise des anges dans lequel le rôle de Joffrey de Peyrac allait lui apporter une popularité quelque peu frelatée.
Or, le rôle de Kürten est aux antipodes de celui du gentilhomme maudit. Si l’on oublie cinq minutes qui est Robert Hossein et ce qu’il a fait depuis, on trouve son interprétation assez saisissante, même si elle n’est pas dénuée de cabotinage. La tête dans les épaules, une démarche de petit vieux et un visage perpétuellement douloureux le rendent à la fois touchant, ridicule et effrayant.
La lumière, constamment remarquable, et le cinémascope, parfaitement maîtrisé (ce qui n’est ni facile, ni fréquent, contrairement à ce que l’on croit), installent cette ambiance glauque, triste et assez fascinante qui convient parfaitement à ce que l’on imagine être cette Allemagne de Weimar agonisante dans laquelle les crimes odieux et isolés préfiguraient sinistrement les millions de meurtres que les nazis allaient méthodiquement et industriellement perpétrer.
Curieusement, Marie-France Pisier, d’habitude superbe, semble déplacée dans cet univers et on ne croit guère à sa version personnelle de Lola-Lola.
Quand à l’hommage appuyé au film de Lang dont les critiques se sont beaucoup gaussé, on ne comprend vraiment pas ce qu’il peut avoir d’infamant et de ridicule. Il est même plutôt réussi.
Les préjugés ont la vie dure et on nie à Hossein, au nom d’un certain nombre de ratages (Le Jeu de la vérité, de sinistre mémoire, par exemple), le talent nécessaire pour réaliser une œuvre intelligente, singulière et maîtrisée.
C’est idiot et c’est injuste.
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