vendredi 7 janvier 2022

Tu n’aimeras point

 

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Einaym Pkuhot (Tu n’aimeras point) (2009) de Haim Tabakman

 Aaron Fleischmann est boucher dans le quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem-Est. Il est marié, père de famille et très pieux comme tous ses clients, ses voisins et ses relations.

Lorsqu’il rencontre Ezri, venu se réfugier de la pluie dans sa boutique, il lui propose de le prendre comme apprenti. Les deux hommes deviennent amis et se sentent très attirés l’un par l’autre.

Des bruits commencent à courir dans le quartier à propos d’Ezri et les deux hommes font l’objet d’une surveillance malveillante.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Brokeback Mountain (Le secret de Brokeback Mountain) a fait sauter quelques verrous !

Mais ici, nous sommes bien loin de la solitude des montagnes et même si Tu n’aimeras point ne se trouve pas situé dans les années soixante, on sait que les juifs orthodoxes de Jérusalem Est, ces loubavitchs avec barbes, kipas, châles de prières et phylactères, sont restés coincés à l’époque de Salomon.

Bien entendu, en parlant de Salomon, pas question de rappeler que son papa, David, celui qui instaura l’étoile à six branches comme symbole du royaume d’Israël, eut une amitié quelque peu « excessive » pour son ami Jonathan.

Mais au-delà de cette histoire d’amour, totalement hors norme dans un milieu où un jeune homme n’a même pas le droit de regarder la femme qu’il aime et qui l’aime à partir du moment où elle a été promise par ses parents à un autre homme, le film est un témoignage qu’on espérerait exagéré si on ne savait que ça se passe comme ça chez les fous de dieu qui ne sont pas tous musulmans comme on le voit ici.

D’ailleurs, ce qui se passe entre Aaron et Ezri est tellement monstrueux que ce ne sera même pas évoqué par les autres. L’accusation la plus grave qu’on ose porter contre Aaron, c’est de vendre de la viande non kasher, tout simplement parce qu’on « ne peut pas » admettre qu’il a une liaison hors mariage, avec un autre homme, qui plus est.

Au-delà du sujet de l’homosexualité dans un milieu obtus, le film dénonce aussi ce qu’on peut appeler la « mafia religieuse ». Car il s’agit bien d’une mafia au sein de laquelle le « caïd » s’appelle « rabbin », mais il pourrait tout aussi bien s’appeler « imam », « curé », « mollah », « évêque », « gourou », voire « pape ». Un plan que tout le monde a retenu symbolise cette « association de malfaiteurs » à tendance religieuse. Alors que nous voyons la vitrine de la boucherie d’Aaron et que la rue semble déserte, une fourgonnette passe et, par le reflet de ses fenêtres, on voit la foule massée des « hommes pieux » sur le trottoir d’en face guettant celui que, de toute évidence, ils aimeraient tellement lyncher.

Moins didactique que les films d’Amos Gitaï, Tu n’aimeras point a la (fausse) froideur d’un constat. Cette froideur austère, souligné encore par ce climat de pluie qui semble « baigner » au sens propre comme au figuré tout le film, excepté (et c’est symptomatique) la scène où les deux futurs amants vont se baigner, est pénétrante pour le spectateur et la réalisation semble aller de soi et d’une simplicité qu’on ne trouve que dans les grands films.

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