dimanche 26 juin 2022

Birdman

 

***

Birdman or the Unexpected Virtue of Ignorance (Birdman)

d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (2014)

Après des années d’absence, Riggan Thomson, qui eut son heure de gloire en incarnant Birdman, un super héros dans trois superproductions, tente de remonter sur les planches pour jouer à Broadway une pièce de Calver.

Mais la chute d’un projecteur sur la tête de son principal partenaire oblige Thomas à en changer et il est contraint d’engager Mike Shiner, un épouvantable cabot, égocentrique et destructeur.

Et puis, il sait que le public et la critique attendent au tournant l’acteur ringard qui a voulu passer du super-héros de super-navets à celui de tragédien-producteur d’un spectacle « difficile » à Broadway.

Et son mauvais ange, celui qui lui parle et qui lui fait croire qu’il a de superpouvoirs, n’est rien moins que « Birdman » lui-même.

En 1949 (1950 à Paris), sortait un film d’Alfred Hitchcock, un film qui est très loin d’être le meilleur de son auteur.

C’était adapté d’une assez mauvaise pièce (inspirée d’une histoire vraie) avec des dialogues bêtes, grandiloquents et d’un transgressif aussi impressionnant que celui d’une vieille bourgeoise qui dirait « Crotte ! ».

Mais toute la notoriété de La Corde, film très moyen, reposait sur une publicité suscitée par Hitchcock lui-même (il a toujours été son meilleur publicitaire !).

C’était une particularité technique : Hitchcock avait eu l’ambition de réaliser son film en un plan-séquence unique, mais à l’époque, les magasins de caméra ne pouvaient contenir que 120 mètres de pellicule 35 mm.

Avec de faux raccords sur des dossiers de chaises, il avait réussi, finalement à le réaliser avec onze raccords visibles seulement.

D’autres tentatives eurent lieu, comme Sirocco d’hiver de Miklos Jancso, par exemple (12 plans dans mon souvenir).

L’ennui en face de ce genre de « prouesse technique », c’est qu’on finit par ne plus regarder le film pour ne s’attacher qu’à compter les plans. Ce n’est pas le cas ici.

Tout d’abord, la prouesse technique est moins impressionnante puisque, grâce au numérique et à une vidéo de haute définition qui ressemble de plus en plus à du 35 mm (grain, profondeur de champ, etc…), on ne peut plus s’arrêter qu’à la facture artistique de la chose.

Et à ce niveau-là, on est verni !

Tout cela est brillantissime, car ce plan qui dure tout le film, à l’exception de la séquence finale, contient tout : la vraie vie, le temps qui passe, le délire de Thomson dialoguant avec son double « Birdman » ou doué, tout à coup, du pouvoir de télékinésie ou encore de la possibilité de voler.

Et ça passe de la façon la plus naturelle qui soit, jusqu’à cette traversée de Broadway et de sa foule, le soir, en slip, par Thomson qui est sorti prendre l’air et a laissé la porte se refermer sur son peignoir.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce coup d’éclat d’Iñarritu est un coup de génie et que son Birdman ou la vertu inattendue de l’ignorance n’a pas volé ses quatre oscars.

Evidemment, certain pisse-vinaigre de notre critique hexagonale ont été jusqu’à parler de cinéma formaté et mélodramatique dans la deuxième partie du film, alors que tout le pathos va se résumer à un homme qui veut se tirer une balle dans la tête et ne réussira qu’à démolir son nez.

D’une façon générale, les critiques négatives furent plutôt rares.

De ce film, on admire l’extrême rigueur qui a forcément présidé à sa réalisation, car même s’il est une suite de plans-séquences habilement raccordés entre eux et non un plan unique impossible à faire, il n’en reste pas moins la prouesse technique et artistique d’un réalisateur, d’une équipe et d’un casting éblouissant dominé par Michael Keaton et Edward Norton avec Amy Ryan, Emma Stone, Naomi Watts et, dans un rôle plus épisodique, Lindsay Duncan.

Birdman, c’est en réussi ce qu’Hitchcock avait raté, car ici, la pièce médiocre et le spectacle de guingois ne sont pas le sujet du film.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire