jeudi 2 juin 2022

Macbeth

 

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The Tragedy of Macbeth (Macbeth) de Roman Polanski (1971)

Au XIème siècle, le roi d’Ecosse, Duncan, est en guerre contre le roi de Norvège. Le seigneur de Cawdor ayant trahi le roi, celui-ci après sa victoire, le condamne à mort et son vainqueur, Macbeth, seigneur de Glamis, hérite de Cawdor.

Mais Macbeth, encore en campagne, ne l’apprend pas immédiatement. Il le saura par trois sorcières qui le saluent comme seigneur de Cawdor et futur roi, tandis qu’elles apprennent à Banquo, compagnon de Macbeth, qu’il ne sera pas roi lui-même, mais engendrera une lignée de rois.

Macbeth écrit à sa femme pour lui faire connaître les prédictions des sorcières et Lady Macbeth, à l’ambition plus inflexible que celle de son mari, décide de profiter du passage du roi chez elle pour l’éliminer et placer son mari sur le trône, selon la prédiction.

Comme Richard III, Othello, Shylock et quelquefois Hamlet, Roméo et Juliette (les trois héros les plus jeunes de Shakespeare), Macbeth et Lady Macbeth sont des rôles écrasants qui ne peuvent être interprétés que par de grands comédiens. Et qui dit grands comédiens dit comédiens d’un certain âge. Mais Macbeth est un drame de l’ambition, une ambition sauvage, immédiate. On ne découvre pas l’ambition passée la cinquantaine.

Ce n’est pas le moindre mérite de Polanski d’avoir choisi Jon Finch et Francesca Annis, âgés à l’époque d’une trentaine d’années.

Mais des mérites, ce film méconnu en a d’autres. Une reconstitution soignée, une mise en scène nerveuse, jusqu’à cette violence extrême que certains critiques ont qualifiée bêtement de « Grand guignol ». Et le fait que ce soit le premier film réalisé par Polanski après le meurtre de sa femme Sharon Tate accrédite encore l’idée selon laquelle Polanski se serait servi de la tragédie de Shakespeare comme d’une catharsis.

C’est oublier un peu vite que Macbeth est une pièce violente, « un conte plein de bruit et de fureur » ; c’est également oublier que le projet d’adapter une pièce de Shakespeare était une idée déjà ancienne de Polanski et que le film qu’il aurait dû tourner à ce moment-là était Papillon, adaptation du roman autobiographique français d’Henri Charrière.

« La vérité est que j’avais choisi Macbeth parce que j’espérais que Shakespeare au moins me mettrait au-dessus de tout soupçon. Après les meurtres de la « famille » Manson, il était évident que mon prochain film, quel qu’il fut, serait traité de cette manière-là. Si j’avais réalisé une comédie, on m’eut accusé d’insensibilité », dit Polanski dans son autobiographie.

Autre point litigieux : le film est produit par Hugh Heffner, patron du magazine « de charme » Playboy. Pour les beaux esprits, Playboy et Shakespeare ne pouvaient pas faire bon ménage. Pourtant, ce duo improbable nous donne ici un film superbe, remarquablement interprété.

Welles (comme il l’avait fait pour Othello) jouait la stylisation et l’intemporalité pour des raisons financières. Kurosawa, pour des raisons, culturelles, situait son Château de l’araignée dans le Japon des Samouraïs.

Polanski joue la carte de l’authenticité : son Macbeth est écossais et se situe au XIème siècle. Sa fidélité à Shakespeare est la principale qualité de son film, mais aussi son principal défaut.

Comme tous les génies immortels, le grand William s’accommode assez mal du réalisme, surtout au cinéma. Parmi les plus grands succès adaptés des tragédies de Shakespeare, on trouve principalement des adaptations totalement étrangères à son monde, comme West Side Story avec Roméo et Juliette, My Own Private Idaho avec les trois pièces dans lesquelles intervient le personnage de Falstaff ou Les Damnés avec… Macbeth précisément, ou des adaptations très personnelles comme les films de Kenneth Brannagh (Henry V, Beaucoup de bruit pour rien, Hamlet, etc…) ou de Laurence Olivier.

Une adaptation scrupuleusement fidèle ne pouvait plaire aux critiques de la part d’un auteur réputé pour avoir son propre univers.

En réalité, Macbeth est la conjonction de deux univers celui de Shakespeare et celui de Polanski dont le postulat était de servir le dramaturge. Le lui reprocher est idiot et totalement injuste.

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