vendredi 3 juin 2022

Journal d’une fille perdue

 

***

Das Tragebuch einer Verlorene 
(Journal d’une fille perdue – Trois pages d’un journal)
de Georg-Wilhelm Pabst (1929)

Le pharmacien Henning a, une fois de plus, abusé de sa gouvernante Elisabeth et il la chasse alors qu’elle est enceinte de ses œuvres.

Thymiane, la fille du pharmacien, ne comprend pas le départ de la jeune femme à qui elle était très attachée et lorsqu’on ramène le corps d’Elisabeth qui, désespérée, s’est noyée, Thymiane, bouleversée, cède aux avances de Meinert, l’assistant sournois et libidineux de son père.

Lorsqu’elle se retrouve, elle aussi, enceinte et que « le coupable » refuse de l’épouser (parce que la pharmacie qui est hypothéquée « ne vaut rien »), elle est chassée par son père et par Meta, la nouvelle gouvernante qui entend bien se faire épouser par le pharmacien.

L’enfant de Thymiane est placée chez une nourrice et elle-même est enfermée dans une « institution », une sorte de bagne pour « jeune pécheresse ».

Alors que le cinéma devient sonore (depuis 1927 aux États-Unis, mais pas encore en Europe), Pabst réalise un des derniers chefs d’œuvre du cinéma muet qui en a donné un certain nombre à l’Allemagne.

Plus encore que dans Loulou (sorti neuf mois auparavant), Louise Brooks incarne un « ange de vertu » qui va devenir une « fille perdue ». Mais, alors que Loulou va faire de son propre déclassement une « arme de destruction massive » contre l’hypocrisie bourgeoise, Thymiane, malgré le « déclassement » et malgré la prostitution, restera une jeune femme intègre et pure.

On comprend que la censure ait condamné ce film dont la modernité nous frappe ainsi, d’ailleurs, que sa misanthropie : tous les hommes sont des ordures libidineuses (mis à part « le tonton » et le notaire) ou des lâches et les deux seules femmes qui ne soient pas des victimes sont la gouvernante, qui va « mettre la main » sur le père de Thymiane après l’avoir contraint à abandonner sa fille, et la garde-chiourme de « l’institution » que Pabst dépeint comme une vieille fille lesbienne frustrée.

Ce qui surprend ici, comme dans Loulou, c’est l’extrême modernité, à la fois du jeu de Louise Brooks et de la réalisation de Pabst. Certaines scènes de sadisme, comme celle des deux tortionnaires de « l’institution », d’hystérie de la « garde-chiourme » ou de sensualité des corps qui dansent dans les scènes de bordel ne seraient certainement pas filmées d’une autre façon à notre époque « libérée de tous les tabous ».

Même la scène très convenue et lourdement démonstrative du testament du père de Thymiane au cours de laquelle le sournois Meinert chasse la veuve et ses deux enfants alors que Thymiane leur donne tout son argent, même cette grande scène mélo, donc, est mise en scène avec une maestria qui nous étonne encore.

Certes, la scène est moins brillante que la danse de Fliegenbein dans Paracelse que Pabst réalisera quatorze ans plus tard en pleine Allemagne nazie, scène qui est une parenthèse enchantée au milieu d’un film maudit réalisé par quelqu’un qui restait quand même un très grand nom du cinéma mondial.

 

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire