Qadiya raqm 23 (قضية رقم ٢٣ ) (L’Insulte) de Zid Zoueiri (2017)
Depuis la guerre du Liban, dans les années 80, la cohabitation est toujours difficile entre les chrétiens, les musulmans (shiites), les musulmans (sunnites), le Hezbollah et, bien sûr, l’ennemi commun, le juif Israélien.
Dans un quartier populaire, une équipe d’ouvriers rénove des bâtiments. Toni, un des habitants chrétiens, arrose ses plantes sur son balcon et fait couler un peu d’eau sur Yasser (plus ou moins volontairement).
Yasser confectionne une gouttière que Toni détruit. Yasser traite Toni de « Sale con ! »
Mais l’affaire ne s’arrête pas là.
Ce n’est un secret pour personne, le Moyen-Orient a toujours été une poudrière.
Dommages collatéraux de la guerre sournoise que se livraient les grandes puissances qui les colonisaient, les pays concernés ont, après la guerre, mais surtout, après la colonisation, garder cette « sale habitude » d’être prêt à se sauter dessus au moindre clash diplomatique.
Conséquence directe de la Shoah perpétrée par l’Allemagne nazie mais contre laquelle les Alliés ne s’opposèrent que mollement, la fondation de l’état d’Israël en 1948 n’a rien arrangé.
Comme le globe terrestre n’est pas extensible, il a fallu pour créer ledit état en amputer un autre, la Palestine. Et la résolution, parfaitement hypocrite, de « deux états », s’est heurté à une réalité pénible qui prive encore les Palestiniens d’un pays qu’on leur a volé, pour des raisons bibliques dont ne manquent jamais de se prévaloir la droite et l’extrême-droite, hélas au pouvoir actuellement en Israël.
Ce qui a tout naturellement pour conséquence d’unir tous les pays voisins, majoritairement musulmans, contre l’état hébreu pour « défendre » le peuple « martyre » palestinien dont tout le monde se fout, mais qui est bien utile en l’occurrence : pouvoir se victimiser au nom d’un martyre est très profitable, à condition que ce martyre ne soit pas vous !
Mais depuis quelques années, l’antisionisme n’est pas la seule guerre qu’entendent mener les peuples. Il y a, tout d’abord de plus en plus de guerre entre Sunnites et Chiites, entre musulmans et chrétiens, druses ou maronites, comme une revanche à prendre sur la religion des occidentaux qui, peu ou prou, domine toujours le monde. Le Yémen, l’Irak, la Syrie et la Lybie sont en état de guerre depuis des années. Et on sait quel tribut le Liban a payé dans les années 80 au nom de toutes ces guerres, attisés par son belliqueux voisin du sud.
Ce sont les relents de cette sale guerre (comme s’il pouvait en exister de propres !) que traite cet admirable film qui, d’un simple incident de rue, certes provoqué pour des raisons visiblement raciste, que va naître un incident, une insulte, une insulte plus grave encore et un crochet à l’estomac qui va mettre le feu au poudre, un feu qui couvait depuis longtemps.
Et tout ça va largement dépasser les deux protagonistes qui voudraient cette spirale dans laquelle ils se sont fourrés s’arrête, mais qui ne peuvent plus revenir en arrière.
Ce rouage infernal engendre cet inéluctable violence (comme, par exemple, le tabassage d’un pauvre livreur de pizza qu’on a pris pour quelqu’un d’autre).
Le remarquable scénario est entièrement basé sur ce rouage et la réalisation d’une maîtrise, hélas, de plus en plus rare, fait avancer le drame tout en s’attachant à des détails et surtout aux visages et aux mimiques des personnages, principalement Yasser et Toni, qui, en un quart de seconde, en disent tellement plus long que les longs discours sentencieux que nous auraient servis certains pays occidentaux. Je pense bien entendu au plus puissant d’entre eux, celui qui, malgré ses leçons de morale permanentes, a réussi à nommer à sa tête un débile mental violent, raciste et dénué de toute forme d’intelligence.
Pour ce qui est du casting, et au nom du talent et du mérite, il faudrait nommer tout le monde depuis la simple silhouette jusqu’au deux rôles principaux. Mais, faute de place, nous nous contenterons de ces deux rôles tenus par Kamel El Basha (acteur palestinien qui joue le rôle de Yasser) et Abdel Karam (libanais comme le personnage de Toni qu’il interprète).
Un authentique très beau film.
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