Eva no duerme (Eva ne dort pas) de Pablo Agüero (2015)
En 1976, « l’amiral », une des figures centrales de la dictature militaire qui s’est abattue sur le pays, fait enterrer de nuit le cadavre de celle qu’il appelle « la garce », « la putain » et autres qualificatifs flatteurs.
Ce cadavre est celui d’Eva Perón, épouse décédée depuis 24 ans de feu Juan Peron, décédé, lui, depuis deux ans.
Enlevé lors du premier coup d’état militaire en 1955, le cadavre de la « madone des descamisados » va parcourir la moitié du globe et servir de monnaie d’échange entre les différentes guérillas et les juntes militaires, celle de 1955-56 et celle de 1976.
Une fois de plus, les prétentions créatrices d’un jeune faiseur de films nous privent d’un film qui eut pu être assez fabuleux à partir d’une histoire trop invraisemblable pour n’être pas vraie.
Le 26 juillet 1952, Eva Perón, surnommée Evita par ses (nombreux) admirateurs, décède à l’âge de 33 ans (comme le Christ !). Son corps est embaumé à grands frais sur ordre de son président de mari : les opérations d’embaumement dureront plus d’un an après quoi le corps sera exposé à la vénération du peuple, sur place, au siège de la CGT argentine (oui, c’est la même chose que chez nous : Confederaciòn General del Trabajo). Cette exposition durera en fait jusqu’en 1955, soit jusqu’à la première dictature militaire argentine, la « Révolution libératrice » autoproclamée qui durera 3 ans.
C’est dans la nuit du 22 novembre 1955 que le corps de la « presque sainte » est enlevé et disparaît. Au gré des aléas de la politique et des convictions curetonnes des différentes ganaches qui se succéderont au pouvoir en Argentine (Ah ! L’alliance sacrée du glaive et du goupillon !) jusqu’au retour au pouvoir de Perón puis de sa veuve Isabelita, la dépouille d’Eva sera transportée en Italie et fera même un bref séjour en Allemagne Fédérale jusqu’à son retour définitif en Argentine en mars 1976.
De toute cette aventure, à la fois dérisoire et fascinante, Agüero tire un film anecdotique qui se concentre sur trois épisodes de toutes ces pérégrinations macabres. L’embaumement, l’enlèvement du corps et le rapt d’Aramburu contre la restitution de la dépouille de l’icône argentine, rapt qui, dans la réalité sera suivi de l’exécution du général par ses kidnappeurs et du marchandage de sa dépouille mortelle contre celle d’Eva.
Si ce film-ci n’apprend rien des évènements (le ton en est beaucoup trop confus pour ça !), force est de reconnaître que la personnalité d’Eva Perón, sainte ou putain, défenderesse des « descamisados » ou banquière des nazis en Argentine, était suffisamment exceptionnel pour valoir autre chose qu’un téléfilm américain « à charge » (Evita Perón de Marvin J. Chomsky avec Faye Dunaway en 1981) et qu’une niaiserie musicale dorée sur tranche (Evita d’Alan Parker en 1996 avec Madonna d’après la grosse soupe imbuvable de Rice et Webber) où on s’ennuyait ferme en attendant la séquence finale et sa fameuse chanson Don’t Cry for Me, Argentina.
Peut-être faut-il chercher Eva Duarte dans les cinq films argentins qui ont fait d’elle leur héroïne, sans compter un court métrage réalisé l’année même de sa mort et une niaiserie espagnole en 2012.
En tous cas, ce n’est guère dans cette coproduction franco-argentine à petit budget (c’est ce qu’on suppose, car tout ça fait un peu « cheap ») qu’on trouve son compte. Le style en est abscons et prétentieux, la scène intermédiaire avec Denis Lavant, probablement imposé par la coproduction, n’est que grotesque et interminable et la première franchement soporifique.
Les partis-pris esthétiques sont bêtes et tape-à-l’œil pour un film globalement laid. Le mélange des images de fictions et des stock-shots est une catastrophe.
Bref, rien à sauver là-dedans !
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