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Wild River
(Le Fleuve sauvage) d’Elia
Kazan (1960)
Les crues
fréquentes du Mississipi obligent les autorités des états qu’il traverse à
réaliser d’importants travaux pour prévenir ces crues.
Chuck
Glover est ingénieur pour la Tennessee Valley Authority qui l’envoie négocier auprès
de leurs propriétaires les terres qui vont être inondées après la construction
d’un barrage en aval dans une petite ville.
Tous
les propriétaires ont accepté l’expropriation sauf Ella Garth, propriétaire
d’une petite île au milieu du fleuve, qui ne veut pas quitter sa maison. Elle a
le soutien inconditionnel de ses trois fils, de sa petite fille et des paysans
qui travaillent pour elle.
Avant Chuck,
beaucoup d’autres représentants de la Tennessee Valley Authority ont essuyé le
refus de la vieille dame. Chuck espère passer un accord.
Même si on a réévalué ce film récemment, on continue à
le considérer comme plutôt inférieur à La Fièvre dans le sang.
Personnellement, j’aurais plutôt
tendance à préférer le silence buté et le mépris altier de Jo Van Fleet et le
flegmatisme gêné de Monty Clift aux crises d’hystérie de Natalie Wood et au
charme d’endive de l’inexpressif et joli Warren Beatty.
L’ingénieur Glover pénètre dans un
monde qui lui est étranger et on pense au Délivrance
de John Boorman.
Et puis, la présence de la fabuleuse Jo
Van Fleet nous renvoie à un autre film de Kazan, A l’est d’Eden où elle interprétait la sulfureuse Kate, mère des
deux fils d’Adam Trask qui leur cachait l’existence de cette mère, propriétaire
et gérante d’une « maison de tolérance ».
Sa maison, ici, est une de ces vieilles
baraques en bois du 19ème siècle, assez délabrée, mais à laquelle la
vieille dame inflexible voue un culte immodéré qu’on voue à une maison dans
laquelle on est né et qui appartient depuis des années à votre famille.
Cette maison, c’est toute la vie d’Ella
et peu lui importe qu’elle entrave le progrès, même si ce progrès signifie la
fin des crues pour toute la région.
C’est tout cela le film de Kazan qui
prend fait et cause (comme Chuck Glover, son héros) pour la vieille dame, mais
sait bien qu’on ne peut lutter contre l’inéluctable.
Lee Remick joue un peu les utilités
dans un rôle qui eut mérité d’être plus étoffé.
Et puis, il y a l’autre sujet, le vrai
sujet qui dresse les entrepreneurs de la région contre l’ingénieur : il
fait payer les ouvriers noirs de ses chantiers au même tarif que les blancs.
Au bout du compte, il est un peu
dommage que ce sujet-là ait été occulté par l’histoire d’Ella. Mais il n’était
peut-être pas possible, en 1960, dans un film se passant dans un état du sud de
parler très librement de ce sujet.
C’est un peu dommage, mais ce n’est pas
essentiel et ça n’empêche pas Le Fleuve
sauvage d’être un très beau film.
Comme tous les films en scope de
l’époque, le scope a été voulu dès le départ et la restauration que nous voyons
maintenant nous restitue la fabuleuse photographie d’Ellsworth Fredericks.
Montgomery Clift, Jo Van Fleet et Lee
Remick forment un trio idéal entourés, pour tous les seconds rôles, de
comédiens hors pair dont la merveilleuse Barbara Loden, compagne de Kazan à
l’époque qui réalisera, en 1970, ce qui est devenu un classique, Wanda et qui mourra prématurément en
1980 à l’âge de 48 ans.