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The Kremlin Letter (La Lettre du Kremlin) de John Huston (1970)
Rone, un officier de marine,
est contacté par Ward pour accomplir une mission à Moscou : il s’agît de
récupérer un accord signé par les Russes et les Américains pour une attaque
conjointe de la Chine. Cet
accord est désigné sous le nom de « lettre du Kremlin ».
Une équipe est réunie pour
constituer le commando qui, sous les ordres de Rone et de Ward doit récupérer
le document. La mission est d’autant plus périlleuse que Kosnov, le chef de
l’espionnage russe, traque les agents occidentaux. Homme froid et sadique,
Kosnov a épousé Erika, la veuve de l’espion américain qui avait apporté la
« lettre du Kremlin » en Russie.
Si on prononce les titres L’Espion
qui venait du froid ou La Lettre du Kremlin devant les adeptes du
culturellement correct façon Télérama, on a droit aux qualificatifs bateaux
genres « vrai film d’espionnage » et surtout « anti-James Bond ».
On se demande quelquefois si ces gens réfléchissent avant de sortir leurs
bourdes.
Mon
expérience très limitée de l’espionnage ne me permet pas de porter de jugement
définitif sur le sujet, mais une sorte d’intuition me pousse à penser que La
Lettre du Kremlin ne traite pas plus sérieusement d’espionnage que… Bons
baisers de Russie.
Certes, la
pelote de laine de George Sanders n’a pas grand-chose à voir avec l’Aston
Martin bourrée de gadgets du célèbre agent de sa majesté, mais considérer ce
chef d’œuvre de John Huston comme une bible sur les us et coutumes du monde des
agents secrets est non seulement une ânerie, mais c’est surtout désespérément
réducteur.
La Lettre
du Kremlin
est avant tout ancrée dans l’œuvre de Huston par son thème, véritable fil rouge
et récurrence de toute son œuvre. Cette fameuse « lettre », c’est LE
Mac-Guffin par excellence, le prétexte à la Hitchcock dont, au bout
du compte, tout le monde se fout. Et Huston est allé beaucoup plus loin
qu’Hitchcock, car son Mac-Guffin est RÉELLEMENT fictif, aussi faux que Le
Faucon maltais, aussi inexistant que Le Trésor de la Sierra-Madre,
aussi vain que les mobiles du tueur en série du Dernier de la liste,
aussi inaccessible que le magot de Quand la ville dort, aussi absurde
que les rêves de gloire de L’Homme qui voulut être roi, aussi illusoire
que la capture de Moby Dick. Cette lettre, personne ne l’aura puisque
ceux (les Chinois) qui ne devaient pas l’avoir… l’ont déjà, tout simplement.
Toutes ces
bassesses, toutes ces manœuvres plus ignobles les unes que les autres, ont été
commises en pure perte. Ces pantins, ces êtres veules, se sont agités pour
récupérer un document qui était, de toute façon, perdu. Mais entretemps, ces
sadiques aux petits pieds, ces fonctionnaires du crime, se seront fait plaisir
en torturant moralement et physiquement, en avilissant, en tuant un certain
nombre de leurs congénères.
La mise en
scène sèche, sans fioriture, de Huston dissèque ce jeu de rôle grandeur nature
où il n’y a rien à gagner, mais où on perd la vie. Et l’interprétation très
mesurée de tous ces grands comédiens jouant d’ignobles cabots est de bout en
bout remarquable : Richard Boone, Bibi Anderson, Max Von Sydow, George
Sanders, Orson Welles. Il est caractéristique qu’au milieu de toutes ces stars,
ce soit un comédien de moindre envergure, Patrick O’Neal, qui se soit vu
confier le rôle principal.
Le fait qu’il
soit de Huston était déjà un gage de qualité. Mais c’est, de plus, un des plus
grands films de Huston.
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