samedi 29 août 2020

La Lettre du Kremlin


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The Kremlin Letter (La Lettre du Kremlin) de John Huston (1970)

Rone, un officier de marine, est contacté par Ward pour accomplir une mission à Moscou : il s’agît de récupérer un accord signé par les Russes et les Américains pour une attaque conjointe de la Chine. Cet accord est désigné sous le nom de « lettre du Kremlin ».

Une équipe est réunie pour constituer le commando qui, sous les ordres de Rone et de Ward doit récupérer le document. La mission est d’autant plus périlleuse que Kosnov, le chef de l’espionnage russe, traque les agents occidentaux. Homme froid et sadique, Kosnov a épousé Erika, la veuve de l’espion américain qui avait apporté la « lettre du Kremlin » en Russie.
Si on prononce les titres L’Espion qui venait du froid ou La Lettre du Kremlin devant les adeptes du culturellement correct façon Télérama, on a droit aux qualificatifs bateaux genres « vrai film d’espionnage » et surtout « anti-James Bond ». On se demande quelquefois si ces gens réfléchissent avant de sortir leurs bourdes.
Mon expérience très limitée de l’espionnage ne me permet pas de porter de jugement définitif sur le sujet, mais une sorte d’intuition me pousse à penser que La Lettre du Kremlin ne traite pas plus sérieusement d’espionnage que… Bons baisers de Russie.
Certes, la pelote de laine de George Sanders n’a pas grand-chose à voir avec l’Aston Martin bourrée de gadgets du célèbre agent de sa majesté, mais considérer ce chef d’œuvre de John Huston comme une bible sur les us et coutumes du monde des agents secrets est non seulement une ânerie, mais c’est surtout désespérément réducteur.
La Lettre du Kremlin est avant tout ancrée dans l’œuvre de Huston par son thème, véritable fil rouge et récurrence de toute son œuvre. Cette fameuse « lettre », c’est LE Mac-Guffin par excellence, le prétexte à la Hitchcock dont, au bout du compte, tout le monde se fout. Et Huston est allé beaucoup plus loin qu’Hitchcock, car son Mac-Guffin est RÉELLEMENT fictif, aussi faux que Le Faucon maltais, aussi inexistant que Le Trésor de la Sierra-Madre, aussi vain que les mobiles du tueur en série du Dernier de la liste, aussi inaccessible que le magot de Quand la ville dort, aussi absurde que les rêves de gloire de L’Homme qui voulut être roi, aussi illusoire que la capture de Moby Dick. Cette lettre, personne ne l’aura puisque ceux (les Chinois) qui ne devaient pas l’avoir… l’ont déjà, tout simplement.
Toutes ces bassesses, toutes ces manœuvres plus ignobles les unes que les autres, ont été commises en pure perte. Ces pantins, ces êtres veules, se sont agités pour récupérer un document qui était, de toute façon, perdu. Mais entretemps, ces sadiques aux petits pieds, ces fonctionnaires du crime, se seront fait plaisir en torturant moralement et physiquement, en avilissant, en tuant un certain nombre de leurs congénères.
La mise en scène sèche, sans fioriture, de Huston dissèque ce jeu de rôle grandeur nature où il n’y a rien à gagner, mais où on perd la vie. Et l’interprétation très mesurée de tous ces grands comédiens jouant d’ignobles cabots est de bout en bout remarquable : Richard Boone, Bibi Anderson, Max Von Sydow, George Sanders, Orson Welles. Il est caractéristique qu’au milieu de toutes ces stars, ce soit un comédien de moindre envergure, Patrick O’Neal, qui se soit vu confier le rôle principal.
Le fait qu’il soit de Huston était déjà un gage de qualité. Mais c’est, de plus, un des plus grands films de Huston.

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