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L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (2009) de Serge Bromberg et Ruxandra Medrea
En 1964, après le succès phénoménal de La Vérité,
notamment aux Etats-Unis, Clouzot obtient d’un producteur américain des moyens
pratiquement illimités pour réaliser ce qu’il veut.
Il
choisit une histoire simple, celle d’un homme marié à une femme un peu plus
jeune que lui et qui va se trouver complètement sous l’emprise d’une jalousie
paranoïaque qui va le détruire peu à peu. Serge Reggiani sera cet homme alors
que sa femme sera incarnée par Romy Schneider.
Mais
c’est dans la forme que Clouzot à des idées de grandeur et d’innovation en
montrant cette jalousie et cette paranoïa avec le regard déformé du jaloux.
Sans
scénario précis, il change tout le temps, avec de nouvelles idées tous les
jours rendant le travail de la veille caduque et bon pour le panier.
Après
trois semaines, Clouzot, victime d’un infarctus, interrompt le tournage qui ne
reprendra jamais.
Les quelques
plans tournés disparaîtront jusqu’à ce qu’on les retrouve il y a quelques
années, ce qui permit la réalisation de ce film-ci.
L’Enfer sera finalement, et sobrement, réalisé par Claude
Chabrol en 1994 avec Emmanuelle Béart et François Cluzet.
Ce qui est arrivé à Clouzot s’est
produit (c’est le cas de le dire !) à la même époque avec Jacques Tati.
Auréolé de l’oscar du meilleur film étranger pour Mon oncle, monsieur Hulot a disposé de moyens colossaux pour
réaliser Playtime.
Mais il y a une différence entre le
chef d’œuvre de Jacques Tati, un film abouti qui, même s’il fut un échec
monumental en 1967, est aujourd’hui à la fois un classique et un film culte et
le film de Clouzot qui, lui, n’existe même pas.
Et ce ne sont pas les deux ou trois
plans retrouvés qui laisse entrevoir un quelconque chef d’œuvre bien que les
critiques (qui n’ont pas toujours été tendre avec Clouzot) s’extasient l’œil
humide et la main sur le cœur devant ce ratage programmé.
Le documentaire de Bromberg et Medrea
n’est pas plus intéressant que ce qu’il reste du film de Clouzot. Il s’extasie
bêtement et à plusieurs reprises sur les « idées
extraordinaires de Clouzot », sauf que rien n’est dit desdites « idées »
ce qui n’a rien d’étonnant lorsqu’on sait que le réalisateur ne
« communiquait » pas beaucoup sur ses idées ou sur ses projets, même
auprès de ses proches collaborateurs.
C’est d’ailleurs là que le bât blesse.
Retrouver quelques bouts de pellicule et les montrer, c’est une chose, vouloir
en faire un documentaire d’une heure et demi exploité en salle en est une
autre !
Alors pour faire le compte on répète ou
fait répéter quatre, cinq, six fois la même chose. On assène des données
techniques à la tête du pauvre public dont on pense que, de toute façon, il n’y
comprendra rien. Le hic, c’est qu’une partie du public a suffisamment de
connaissances techniques pour comprendre que ceux qui essaient d’expliquer ne
comprennent rien eux-mêmes et que, pour donner un exemple, tant qu’on ne voit
pas le résultat après étalonnage des essais couleur que Clouzot a fait, on ne
peut pas comprendre grand-chose de ce qu’il voulait faire, si tant est qu’il
l’ait su lui-même. Tout ce qu’on sait, c’est que le lac et le ciel devait
apparaître rouge : et alors !?...
De tout ce fatras technique, totalement
incompris, il ressort un documentaire long, prétentieux, répétitif, une petite
escroquerie dont on a du mal à comprendre pourquoi toute la cinéphilie
parisienne l’a encensé comme si… Bromberg avait réinventé le cinéma.
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