Adults in the Room (2019) de Costa-Gavras
À
la fin de l’année 2014, le très conservateur Wolfgang Schaüble, ministre des
finances allemand et désigné par tout le monde comme « faiseur de
rois » au sein de l’Eurogroupe, déclare très officieusement que si les
Grecs porte le parti Syriza (Gauche radicale) au pouvoir, la Grèce sera éjectée
de la zone euro.
Et de fait, après l’élection de 2015
qui amène Syriza au pouvoir, Yanis Varoufakis, ministre des finances et ami
personnel du premier ministre Aléxis Tsípras, est reçu assez fraîchement à
Bruxelles. Seul Michel Sapin, le ministre français le reçoit chaleureusement en
l’assurant, en privé, qu’il le soutiendra, mais le désavoue quelques minutes
plus tard pendant la conférence de presse qui suit l’entrevue.
Yannis Varoufakis se sent très seul dans sa plaidoirie
pour sauver son pays que les sept dernières années ont plongé dans un chaos que
la commission européenne a soigneusement entretenu, mais dont elle entend faire
payer Syriza, Tsípras et Varoufakis qui n’y sont pour rien.
Le
titre du livre de Varoufakis vient d’une phrase que prononça Christine Lagarde,
présidente du Fonds Monétaire International, en pleine crise grecque alors que
certains ministre des Finances de l’Eurogroupe s’invectivaient
hystériquement : « We need some adults in this room ».
La scène est dans le film, tiré du
livre.
Comme l’a dit un critique, Adults in
the Room est un « thriller bureaucratique sur la
bureaucratie ». Courteline faisait des comédies sur les bureaucrates,
Costa-Gavras fait, lui, une sorte de polar.
Le film est brillant et d’une grande
finesse, comme dans cette scène (réelle) où Junker veut imposer une cravate à
Tsipras devant les journalistes et se fait vertement rembarré par le premier
ministre grec.
Dans le film (probablement dans le
livre aussi), les Français ne sont pas montrés sous leur meilleur jour, mise à
part Christine Lagarde qui n’est pas là en tant que française, mais comme
personnalité internationale.
Michel Sapin, ministre français des
finances, assure Varoufakis de son soutien, en privé, avant de le lâcher
publiquement tout de suite après, pendant la conférence de presse.
Quant à Pierre Moscovici, il est
présenté comme un odieux hystérique et un lèche-botte à la traine de l’immonde
Wolfgang Schaüble. Piqué au vif, ce petit coq et ex-commissaire européen aux
affaires économiques et financières, à la fiscalité et à l’union douanière, a
qualifié le film de « fairy tales for children ».
Le ministre allemand des finances est
ici une sorte de Docteur Folamour à peine moins hystérique que celui du
film de Kubrick, mais également dans un fauteuil roulant (à la suite d’un attentat
qui l’a laissé paraplégique). Ulrich Tukur plutôt habitué aux rôles de brave
type (Week-ends), voire de héros (Amen),
prend visiblement beaucoup de plaisir à jouer ce méchant inspiré par Kubrick,
mais repris du vrai personnage (au demeurant tout à fait machiavélique) de Wolfgang Schaüble.
Et le reste du casting est tout aussi
prestigieux : Christos Loulis (Varoufakis), Alexandros Bourdounis
(Tsipras), Josiane Pinson (Christine Lagarde), Vincent Nemeth (Sapin), Aurélien
Recoing (Moscovici) et tous les autres sont excellents.
En revanche, l’espèce de ballet
onirique et ridicule de la fin du film est une grosse faute.
Mais mise à part cette regrettable
séquence, on retrouve ici un Costa-Gavras en très grande forme, la forme qu’il
avait dans Z. Décidément, son pays natal lui réussit !
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