Winter’s Bone (2010) de Debra Granik
Dans la forêt des Ozarks
(Missouri), des fermiers qui ne peuvent plus vivre de leurs exploitations se
sont lancés dans la fabrication et le trafic de Crystal Meth, de la méthamphétamine
qui s’utilise comme une sorte de cocaïne de synthèse.
Ree Dolly, dont le père vient d’être libéré sous
caution après sa condamnation pour trafic de Meth, tient à bout de bras sa
famille : son petit frère, sa petite sœur et leur mère malade. Mais le
père a engagé leur maison pour payer sa caution et il a disparu.
Ree doit absolument le retrouver pour garder le modeste toit que la
famille a sur la tête.
Décidément, les
post-adolescentes font des étincelles dans le cinéma américain en ce moment.
Après Hailee Steinfeld (14 ans) dans True Grit des frères Coen (nomination pour la meilleur actrice dans un second
rôle aux oscars 2010), voici Jennifer Lawrence (20 ans) dans Winter’s Bone, nommée pour l’oscar de la
meilleure actrice. Elle est Ree, une jeune fille d’apparence frêle qui a la
charge de toute sa famille et qui fait face aussi bien à la misère qu’au danger
ou aux coups.
On compare
beaucoup Winter’s Bone à Deliverance. Mais le film de Boorman
avait un côté « bobo », bien que le concept n’existât pas encore dans
les esprits, même s’il était bien réel dans les faits : les
« hillbillies » (« ploucs, « bouzeux » …) étaient vus
« de l’extérieur ». Ils étaient incompréhensibles, tarés, violeurs,
violents et volontiers assassins. Ici, on est complètement immergé parmi eux.
Ils sont toujours tarés et violents, mais ils ne sont ni violeurs, ni
assassins. Ils éprouvent une certaine admiration pour Ree et lorsque les
harpies lui cassent la gueule, c’est une sorte de rite initiatique. Les mêmes
harpies vont ensuite l’aider à retrouver le corps de son père, ce qui lui
permettra de garder sa maison et de récupérer un peu d’argent.
Contrairement
à ce qui a été dit à longueur de critiques à propos de ce film, on n’est pas du
tout chez Boorman, mais il est vrai qu’on retrouve un peu des frères Dardenne,
ceux de La Promesse.
Ces bouzeux,
on est avec eux, on les comprend et il faut bien dire que l’interprétation y
est pour beaucoup. On peut souligner au passage la prestation de Dale Dickey
dans le rôle de Merab, la plus impitoyable, celle qui tape le plus fort sur
Ree, mais viendra la chercher pour qu’elle puisse prouver que son père est bien
mort.
Les
sentiments comme l’amour, la compréhension, la pitié, la fierté et, je l’ai
dit, l’admiration, sont là, mais jamais surlignés.
C’est sans
doute ce qu’on aime ici, cette pudeur, cette froideur apparente, comme celle de
cette voisine, Sonya, toujours prête à rendre service qui se fait rabrouer pour
tout remerciement en apparence, mais avec un simple regard de reconnaissance
pour le bien qu’elle fait.
Même si tout
le film est baigné par cette lumière et ces paysages hivernaux (l’hiver du
titre), on y sent beaucoup de chaleur. Et même si la photographie est belle, la
mise en scène rigoureuse et la direction d’acteurs au-dessus de tout éloge,
tout cela est fait sans ostentation.
Ça semble
modeste, mais c’est du grand cinéma.
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