Aimer, boire et chanter (2014) d’Alain Resnais
Colin, qui est médecin, se fait soutirer un secret professionnel par sa femme Kathryn qui s’empresse de révéler ce « secret » à Tamara qui, elle-même, l’annonce à son mari Jack : leur ami George Riley est atteint d’un cancer et n’en a pas pour plus de six mois à vivre.
Comme ils sont en train de répéter une pièce au sein de leur troupe amateur et que le rôle du « jeune premier » est vacant, ils vont le proposer à George « pour lui changer les idées ».
Jack est le meilleur ami de George alors que Tamara est amoureuse de George.
Kathryn a vécu avec George, « il y a longtemps ».
Et puis, il y a un troisième couple : Monica qui a quitté George il y a quelques temps pour épouser Siméon.
Alain Resnais est décédé le 1er mars dernier, trois semaines avant la sortie de cet ultime opus.
Pour la troisième fois (après Cœur et Smoking-No Smoking), il adapte une pièce d’Alan Ayckbourn.
Alain Resnais était un expérimentateur. Il n’a jamais fait deux fois le même film et s’est inspiré de sources totalement hétéroclites : Marguerite Duras, Alain Robbe-Grillet, Henri Laborit...
Il a souvent également choisi sa source dans l’œuvre de dramaturges et d’écrivains peu côtés dans le monde de la culture (Henri Bernstein, Maurice Yvain...). Alain Resnais se souciait très peu de la « coterie » : ce qui le passionnait, ce n’était visiblement guère le « prestige » de l’œuvre adaptée, mais la matière que lui-même pouvait tiré de cette œuvre, qu’elle fût de premier plan ou considérée comme une « série Z ».
On peut même considérer que, plus que la mise en scène, c’était le jeu, tout ce qu’il y a de ludique, qui l’intéressait (On connait la chanson, Smoking-No Smoking).
Mais les expérimentateurs courent toujours le risque de voir leurs cornues leur sauter à la figure.
Et c’est un peu ce qui se passe ici. La médiocrité réelle du matériau de base n’est aucunement rehaussée par un « truc », un jeu de mise en scène comme l’était Smoking-No Smoking du même Ayckbourn.
Ayckbourn n’a pas très bonne réputation outre-Manche (un peu comme Bernstein ici) et c’est peut-être ce qui, à l’origine, a attiré Resnais.
En fait, ce n’est pas l’argument qui est pauvre : trois hommes qui se demandent s’ils ne sont pas trompés par leurs épouses à cause d’un homme qu’on ne voit pas, c’est, en inversant les sexes, le sujet de Chaines conjugales, un chef d’œuvre de Mankiewicz.
Mais Ayckbourn, et surtout, Alex Reval et Laurent Herbiet (co-adaptateurs, le deuxième est également scénariste) ainsi que Jean-Marie Besset ne sont pas Mankiewicz !
Et la théâtralité affichée de Resnais, loin d’alléger cette œuvre peu digeste la plombe encore un peu plus.
Reste les interprètes qui font, pour certains, ce qu’ils peuvent sans être tout à fait convaincants : Michel Vuillermoz et André Dussollier sont les plus efficaces, Sandrine Kiberlain et Sabine Azéma remplissent leur contrat et Caroline Sihol (épouse du producteur) semble se demander ce qu’elle fait là. Je garderai un silence pudique sur la prestation d’Hippolyte Girardot qui n’a jamais été très bon.
Le film se termine sur l’enterrement de « George » qui provoque une certaine émotion chez le spectateur qui, bien entendu, pense aux obsèques de Resnais, un peu comme s’il avait voulu filmer son propre enterrement.
On aurait préféré que cette séquence vienne à la fin d’une œuvre ultime à la hauteur d’Alain Resnais et non d’un dernier film un peu bêbête à l’image de cette taupe en peluche qui intervient de façon un peu lourde (elle aussi) entre les « actes » de la pièce.
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