mardi 30 juin 2020

Wonder Wheel


Wonder Wheel (2017) de Woody Allen
L’histoire que nous raconte Mickey, maître-nageur sur la plage new-yorkaise de Coney Island dans ces années 50, commence au moment où Carolina arrive sur ladite plage à la recherche de son père Humpty.
Comme elle ne le trouve pas, elle rencontre sa belle-mère Ginny qui est serveuse dans un bouis-bouis.
En fait, Carolina est en fuite et son mari, un caïd de la mafia, la fait rechercher pour la tuer.
Humpty, qui était brouillé avec sa fille consent à l’abriter, mais Ginny n’est pas d’accord : elle a peur pour eux et pour son jeune fils Richie, un gamin difficile et pyromane.
Contrairement à beaucoup de mes compatriotes, je ne suis pas un fan absolu de Woody Allen.
Depuis Minuit à Paris, je n’avais apprécié aucun de ses films que j’avais vus : To Rome With Love où il avait pillé sans la moindre vergogne à la fois Xavier Giannoli et Federico Fellini et Blue Jasmine honteux démarquage poussif et non avoué du Tramway nommé Desire de Tennessee Williams. Du coup, je m’étais abstenu d’aller voir les trois films suivants.
Et puis tous « ces porcs qu’on balance », ça a fini par me donner le tournis. Cette chasse aux sorcières systématique n’est, en l’état, que l’appel aux boycott des œuvres auxquelles aurait participé toute personne juste accusée par une autre de harcèlement sexuelle, sans que cela ait été prouvé de quelque manière que ce soit et, surtout, sans que la chose  n’ait même été jugée. Et cette chasse est insupportable.
J’ai décidé que j’irai voir CE FILM de Woody Allen. Et je ne l’ai pas regretté ! Il est tout à fait possible qu’une fois de plus, Woody Allen ait pompé l’œuvre d’un autre. Mais je lui laisse le bénéfice du doute.
Et pour ce qui est tant de la réalisation que du casting, tout est brillant.
J’aurai cependant une réserve, un plan, un seul. Le directeur de la photo est Vittorio Storaro, brillantissime directeur de la photo s’il en est. Et un plan m’a particulièrement choqué, c’est le plan-« confession » de Ginny, face à une lumière blafarde grâce à laquelle on pourrait évaluer l’épaisseur de la couche de fond de teint qu’on lui a appliqué et le nombre de pores sur ses joues. On pourra même constater que Miss Winslett a un léger duvet sur le visage.
Mais ce n’est pas à cause de ce plan que Kate Winslet s’est désolidarisée de Woody Allen (ce que j’aurais parfaitement admis), mais à cause de l’ « hystérie Farrow » (consulter votre torche-cul habituel).
Ici, je me contenterai de juger ce que je sais, le film et rien que le film.
La mise en scène est brillantissime : chaque plan semble aller de soi et a le naturel déconcertant d’une technique travaillée et parfaite. Chaque plan, chaque mouvement de caméra a le naturel d’un travail d’artiste très élaboré.
Et côté casting, pour interpréter une ex-aspirante comédienne ratée, un brave type très beauf, un dragueur style « Miami Beach » qui se prend pour Clifford Odets, une pauvre cagole qui, elle, se prend pour une Virginia Woolf qui aurait épouser Lucky Luciano, sans oublier un gamin perturbé (on le serait à moins !) et, surtout, très pyromane, nous avons, dans l’ordre, Kate Winslet, Jim Belushi, Justin Timberlake, Juno Temple et Jack Gore.
Ils sont tous excellents au service d’une histoire simple : une femme sur le retour croit voir arriver une forme de rédemption par l’amour jusqu’à ce que sa belle-fille lui prenne son amant et ruine ses espoirs.
On y croit et l’histoire est bonne, même si aucun des personnages (sauf peut-être l’héroïne un peu déglinguée et son fils pyromane) n’attire une sympathie débordante.

lundi 29 juin 2020

Ablations


Ablations (2013) d’Arnold Parscau
 Pastor Cartalas se réveille dans un terrain vague au petit matin.
Il ne sait absolument pas comment il est arrivé là, mais une fois rentré chez lui, il s’aperçoit qu’il a une cicatrice en bas du dos.
Il va voir Anna, une ex-maîtresse qui est médecin. Après l’avoir ausculté, elle lui annonce qu’on lui a prélevé un rein et que l’opération semble avoir été réalisée par un grand chirurgien.
Pastor va partir à la recherche de « ceux qui lui ont fait ça », alors que, dans le même temps, il est obligé de mentir à son patron et à sa femme qui prend très mal les choses.
Comme toujours, la réalisation peine à faire bref et efficace. Dans le cinéma contemporain, les réalisateurs semblent tous souffrir d’un syndrome Ozu ou Bergman : faire durer un plan, même si, dans leur cas, c’est très souvent au-delà de l’utile, voire du supportable.
Mais au bout du compte, celui-ci fait durer juste un tout petit peu trop. Et puis l’originalité du sujet fait passer beaucoup de choses.
Les turpitudes conjugales de Pastor qui ne devraient être que secondaires, tentent de gagner le premier plan et ont tendance à parasiter le reste de l’histoire, beaucoup plus intéressant.
Denis Ménochet est superbe, Philippe Nahon et Yolande Moreau sont inquiétants à souhait et le reste de la distribution est plus convenue, mais ne démérite pas.

dimanche 28 juin 2020

Seul dans Berlin



Alone in Berlin (Seul dans Berlin) de Vincent Perez (2016)
Le 25 juin 1940, la victoire fulgurante de la Wehrmacht sur l’armée française est fêtée à Berlin. Les Berlinois encensent le Führer et le Reich et la liesse est à son comble.
Les Quangel, un couple berlinois, eux, ne sont pas à la fête. Car de cette campagne de France, Hans, leur fils unique, n’est pas revenu. Et le couple au sein de l’immeuble qu’ils habitent, sait bien que le « Grand Reich de mille ans » n’est pas une bénédiction pour tout le monde, comme pour le juge Fromm, mis à la retraite ou leur autre voisine Frau Rosenthal qui est juive et dont le mari a été arrêté.
Otto Quangel achète des cartes postales et écrit « en caractères bâtons » des messages antinazis qu’il va ensuite déposer dans différents endroits publics de la capitale allemande.
Anna, sa femme, ne tardera pas à découvrir ce que fait son mari et à l’aider.
Le roman Jeder für sich Allein (« Chacun meurt seul ») est sorti en Allemagne en 1947, l’année même de la mort de son auteur Hans Fallada.
Le livre raconte la vie d’un immeuble berlinois entre 1940 et 1943 et analyse les rapports de voisinage entre un voyou collabo, une famille de nazis convaincus, un juge retraité qui ne s’est jamais remis de la mort de sa fille, une ancienne commerçante juive qui attend désespérément le retour de son mari, arrêté par les SS pour « détention de biens à l’étranger » et un couple Otto et Anna Quanzel, respectivement ouvrier-imprimeur et femme au foyer qui viennent d’apprendre la mort de leur fils unique pendant la campagne de France.
Ce sont les personnages centraux du livre, inspirés par les personnes bien réelles d’Otto et Élise Hampel qui ont effectivement déposé des cartes postales partout dans Berlin, dénonçant le régime nazi, ont été arrêtés, jugés, condamnés et décapités.
Une première adaptation du livre est réalisée par Alfred Vohrer en 1976 avec Hidegard Knef et Carl Raddatz. N’ayant pas vu le film, semble-t-il, bien oublié, il m’est impossible d’établir une comparaison avec le film de Perez.
En revanche, on peut comparer le roman Seul dans Berlin (ressorti en France il y a quelques mois) avec ledit film. Le roman d’Hans Fallada était considéré par Primo Levi comme « l’un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie » dont le sujet était la peur et la lâcheté : toutes les cartes déposées par les Quanzel ont été pieusement et servilement rapportées à la Gestapo et le seul authentique lecteur de ces cartes sera le commissaire Escherich qui, bien que « converti » grâce aux cartes (et ce sera le seul, puisque le seul à les avoir lues !), va livrer le couple aux bourreaux avant de se suicider lui-même.
La dernière séquence du film de Perez nous montre ce suicide précédé du vol des cartes postales qu’Escherich balance par la fenêtre pour les rendre publiques.
Malheureusement, c’est peut-être la seule séquence réussie du film et elle arrive bien tard.
Le film est tourné en anglais avec, pour certains des comédiens, un fort accent allemand, ce qui est inévitable pour une co-production franco-germano-britannique.
Pour qu’on comprenne bien que nous sommes dans les années de plomb, l’ambiance berlinoise est grisailleuse et sinistre, mais tout est répétitif et inintéressant.
Curieusement, devant ce Berlin nazi de carton-pâte, le film auquel j’ai pensé, c’est l’admirable Julia, mais Perez n’a rien à voir avec Zinnemann, d’abord parce que Zinnemann était né à Vienne et avait vécu à Berlin avant de s’expatrier aux Etats-Unis en 1929, ensuite parce que c’était un grand cinéaste, ce qu’on ne sent pas forcément chez Perez…
Emma Thomson et Brendan Gleeson, malgré leurs talents respectifs, ne sont crédibles à aucun moment. Daniel Brühl, qui s’améliore avec le temps, est tout juste passable. Seul Mikael Persbrandt dans un rôle de SS sadique, stupide et ignoble à souhait, tire son épingle du jeu ainsi que Monique Chaumette qu’on n’avait pas vue depuis bien longtemps et qui nous donne ici une interprétation sensible du personnage touchant de Frau Rosenthal, la pauvre vieille juive.
Mais à part ces deux-là, il faut bien avouer que le film est un ratage[1].


[1] C’est, du reste ce que va considérer l’ensemble de la critique, mais deux ans plus tard, la même critique va se pâmer devant ce que JE considère comme bien pire, Une vie cachée du cureton américon Malick.