samedi 6 août 2022

La Demora

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La Demora (2012) de Rodrigo Plá

 Maria travaille chez elle pour une usine textile. Elle ne gagne pas grand-chose, mais elle a quatre personnes à charge : ses trois enfants et son père qui « commence à perdre la boule ».

Elle voudrait le mettre dans un hospice, mais les hospices sociaux sont réservés au plus nécessiteux et les hospices privés sont trop chers.

Lorsque Maria se tourne vers sa sœur pour lui demander de « prendre son tour de garde », celle-ci, gênée dit qu’elle doit en parler d’abord à son mari.

Désespérée, Maria abandonne son père sur un banc.

Décidément, la cinématographie latino-américaine nous apporte de bien belles surprises de Jours de pêches en Patagonie en Acacias et à l’exception, vite oubliée, de l’Elefante Blanco.

Certes La Demora ne fait pas sauter de joie. Mais s’il est triste, ce petit bijou n’est jamais sinistre.

La vieillesse est un naufrage disait Chateaubriand et Agustin, le vieux monsieur du film, a confusément conscience de ce « naufrage », comme l’avait la vieille dame de La Ballade de Narayama qui se laissait abandonner par son fils en haut d’une montagne.

Agustin a peut-être conscience d’avoir été abandonné par sa fille… ou peut-être pas. Mais il refuse de s’éloigner de son banc car « elle va venir le chercher » et il a raison.

Il est vrai que tout est prévisible, qu’il n’y a pas de « suspense », mais pourquoi y en aurait-il ?

Le film est impressionniste, aucunement démonstratif. La pauvreté de Maria, son agacement chronique pour ce vieil homme « qui ne lui arrange pas les choses » (comme si le pauvre pouvait y faire quelque chose ! ...), son énergie, sa fuite en avant, tout cela jaillit au détour d’un plan, dans une simple phrase de dialogue, comme apparaît la détresse de ce pauvre homme contraint de se faire laver par sa fille, de marcher vite derrière elle dans la rue pour ne pas la faire attendre, alors qu’il a visiblement beaucoup de mal à marcher vite.

Tous les interprètes sont parfaits, mais la distribution est dominée, à parts égales, par Roxane Blanco (Maria) et Carlos Vallarino (Agustin) qui se coltine le rôle ingrat du vieux monsieur à la dérive, un rôle très dur pour un monsieur de cet âge.

C’est un film fait de mille détails, sans pathos, sans colère, mais avec infiniment de bonté et, finalement, infiniment de beauté.

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