vendredi 29 octobre 2021

Une exécution ordinaire

 

***

Une exécution ordinaire (2009) de Marc Dugain

 Ekaterina Guorguievna Gueladzi est médecin à Moscou. En cette automne 1952, le régime imposé depuis près de trente ans par Joseph Staline est à son apogée : « le petit père du peuple », physiquement déclinant n’a jamais été aussi dangereux. La guerre froide lui permet (ainsi qu’à son entourage) d’éliminer au prétexte de « complot » tout ce qu’il pourrait sentir comme une vague menace. Et ces menaces, il en voit partout.

« Le complot des blouses blanches », sa dernière trouvaille, lui a permis d’éliminer tous les médecins de son entourage au motif qu’ils voulaient l’empoisonner

C’est ainsi qu’il fait appel à Ekaterina qui a pourtant la réputation (sulfureuse en U.R.S.S.) d’être guérisseuse. Les soins qu’elle prodigue au vieux dictateur, loin de lui apporter (à elle) un certain confort, vont détruire sa vie : pour qu’elle ne puisse pas se confier à son mari, Staline le fait arrêter et torturer.

De plus, les absences « injustifiées » d’Ekaterina à son dispensaire (pendant qu’elle soigne Staline secrètement) lui valent des ennuis avec sa hiérarchie…

On l’a dit et redit : Marc Dugain est le troisième ou quatrième écrivain à s’être récemment risqué, non seulement comme cinéaste, mais également comme adaptateur d’un de ses livres.

Beaucoup plus modeste que le minable Philippe Claudel, ainsi qu’Emmanuel Carrère, Michel Houellebecq ou Eric-Emmanuel Schmitt, Marc Dugain a dû avoir peur de son propre ouvrage qui faisait se télescoper les époques et les évènements : les derniers jours de Staline, le sous-marin Koursk, le pouvoir de Poutine.

Ici, il n’a gardé que « l’épisode » Staline en l’édulcorant un peu (« Le Complot des blouses blanches » est à peine évoquée).

Pour le reste, l’adaptation est une réussite complète. La réalisation est rigoureuse et le débutant Dugain s’en tire admirablement, mais le film bénéficie surtout de quatre atouts majeurs.

Les rôles secondaires sont tous remarquables : la palme revient particulièrement à Tom Novembre, amoureux transi et victime consentante du système, et à Denis Podalydès, concierge matois et collaborateur zélé du même système. En ce qui concerne Edouard Baer, je suis beaucoup plus réservé, bien que les critiques l’aient trouvé admirable.

Le deuxième atout, c’est le personnage d’Ekaterina, remarquablement incarné par la douce Marina Hands d’une justesse au-dessus de tout éloge.

Le troisième, c’est l’ambiance morbide, suintante et glacée de l’U.R.S.S. de ce Staline finissant, ces couloirs vides, ces palais inquiétant et, surtout, ces appartements tous verts sales, mal éclairés, pauvrement meublés : on a l’impression de sentir la soupe aux choux. On se souvient d’une ambiance similaire dans le Est-Ouest de Régis Wargnier.

Mais le plus important, le premier atout, c’est, bien sûr, André Dussollier dans le rôle de Joseph Staline, rôle superbe bien sûr, mais qui peut s’avérer être un piège : Hitler et Staline peuvent devenir des enterrements de première classe pour un comédien qui n’aurait pas la carrure. Dussollier a incontestablement la carrure (tout comme Bruno Ganz avait la carrure pour jouer un Hitler remarquable dans La Chute d’Olivier Hirschbiegel).

Dès son premier film, Marc Dugain a gagné. Malheureusement, le film n’a pas été un franc succès public. Le sort réservé aux films est quelquefois bien injuste.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire