****
La Nuit des rois (2020) de Philippe Lacôte
Dans la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (M.A.C.A.), un jeune homme vient d’être incarcéré.
Barbe-Noire, le « caïd » de la prison, le prend sous sa protection. Mais cette protection a un prix : le jeune homme est rebaptisé « Roman » et il devra raconter des histoires pendant toute une nuit.
En fait, Barbe-Noire est malade et son pouvoir est de plus en plus contesté et le « rituel de Roman » doit l’aider à réinstaller son autorité.
C’est ce qui est le plus valorisant au cinéma quand c’est réussi, mais c’est très difficile à réussir : le huis-clos. Et l’endroit du huis-clos par excellence, c’est la prison puisqu’on ne peut pas en sortir.
Et il faut bien reconnaître que le cinéma français nous a donné quelques chefs d’œuvres du « film de prison » : Un condamné à mort s’est échappé, Le Trou… Mais tout cela est bien ancien.
Autre film auquel on peut penser ici (mais qui n’est pas français) Le Baiser de la femme-araignée qui valut à William Hurt, l’oscar du meilleur acteur et le prix d’interprétation masculine à Cannes en 1985 : il y incarnait Luis Molina condamné pour homosexualité dans une prison « sud-américaine » et qui partageait sa cellule avec un « politique » à qui il racontait l’histoire d’un film qui se situait dans la France occupée. Le film, en plus d’être pro-nazi, était très mauvais, mais il était sublimé par le récit qu’en faisait Molina.
Ici, c’est le même principe auquel on vient greffer le mythe de « Shéhérazade » puisque Roman doit être tué à la fin de son récit s’il n’a pas pu tenir toute la nuit. Il doit donc s’arranger pour qu’il ne s’achève jamais.
Mais même avec ce canevas, on peut rater un film. Ici, le moins qu’on puisse dire, c’est que le film est une grande réussite : il y a l’ambiance, à la fois réaliste et mythique, le conte que va raconter celui qu’on ne connaitra que sous le nom de « Roman ».
Le huis-clos est magnifique et on retrouve toute la magie des contes africains de type Kirikou.
Dissipons tout de suite un malentendu : malgré son titre, le film n’a rien à voir avec Shakespeare (encore un merveilleux conteur).
La « Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan » (MACA pour les intimes), est ici « vu de l’intérieur » et le réalisateur connaît bien cette prison : sa mère, opposante politique, y fut incarcérée pendant un an.
Et ce qu’il y a de plus réussi, en dehors de la mise en scène précise, la réalisation brillante et un casting au-dessus de tout éloge, ça reste l’ambiance.
Car Philippe Lacôte ne se contente pas de faire un microcosme de la « M.A.C.A. », il en fait un univers.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire