Victor « Young » Perez (2013) de Jacques Ouaniche
Auschwitz, octobre 1944. Un prisonnier juif sort dans la cour et, malgré la neige, malgré son aspect cadavérique, court torse nu, et fait des mouvements qui ressemblent à ceux d’un entraînement sportif sous les yeux indifférents des gardes dans les miradors.
Ce jour-là, Victor Perez va se préparer, avec l’aide de son frère Benjamin, à combattre sur un ring Kurtz, un soldat allemand [1]plus grand de vingt centimètres et plus épais de vingt kilos que lui, un soldat bien nourri et en pleine forme.
Lorsque le combat commence et au premier coup de poing, Victor se souvient de son enfance et de sa jeunesse à Tunis. C’est là qu’il est découvert par Léon Beillères qui l’amène en France où il veut en faire un champion poids mouche.
A Paris, Victor fait la connaissance de Mireille Balin.
Le destin de Victor Perez, connu sous le nom de Young Perez, fut exceptionnel et absolument tragique. Né Juif tunisien à Tunis, il mourra à l’âge de 34 ans à Gliwice, en Pologne, au cours d’une de ces abominables « marches forcées » que les déportés rescapés des camps de l’Est devaient faire accompagnés de leurs tortionnaires qui fuyaient l’avance des armées soviétiques et qu’on connaît sous le nom sinistre et, hélas, justifié de « marches de la mort ».
Il était naturel que ce destin puisse faire l’objet d’un film. Celui-ci commence de façon abominable et éblouissante.
Le jeune ex-boxeur, amaigri et marqué par une année dans le camp d’Auschwitz (Auschwitz III – Monowitz), continue à s’entrainer, torse nu dans la neige, guetté par les sadiques qui lui servent de geôlier. Cette scène, comme toutes les scènes du camp est horrible et remarquable. La mise en scène et l’interprétation vous hante bien après la vision du film.
Le problème, c’est que nous sommes dans un biopic et que, dans un biopic, on raconte souvent toute la vie du personnage. Dans un bon scénario, le film se base sur un épisode de cette vie et se contente d’une simple évocation pour la suite. Malheureusement pour son film, Jacques Ouaniche a voulu être exhaustif.
Si les scènes de la jeunesse tunisienne de Young Perez sont un peu gnan-gnan, ne serait-ce que par leur côté chromo, contraste visiblement voulu avec la lumière bleue cauchemardesque du camp de la mort, le ratage (oui, ratage !), c’est après les débuts parisiens de la carrière du boxeur qu’il commence.
Car la partie la plus importante (la plus envahissante !) du film, c’est l’histoire d’amour sans le moindre intérêt entre Young Perez et Mireille Balin. Cette bluette sur fond de rétro années 30 donne la nausée. Et Ouaniche fait durer cette liaison jusque pendant l’occupation alors qu’elle prit fin en 1932. Et par là même, il rend implicitement la « femme fatale » responsable de l’arrestation et de la déportation du jeune boxeur, ce qui est faux et injuste, même si Mireille Balin eut pendant l’occupation, une attitude qu’elle payera très cher : fuyant Paris libéré avec son amant et fiancé autrichien, officier de la Wehrmacht, l’actrice sera arrêtée avec lui par la Résistance à Monaco (sa ville natale). Alors que l’officier est exécuté, elle est battue, violée et se retrouve en prison. Elle mourra oubliée et dans le plus grand dénuement en 1968.
On a imputé à Mireille Balin le commencement de la chute de la carrière de Young Perez. C’est possible, mais ce qui est certain, c’est qu’on peut imputer au personnage de Mireille Balin, la chute de ce film.
Il faut dire qu’aller chercher une actrice italienne de 25ème zone (bien que princesse), affublée d’un accent à couper au couteau, pour incarner une actrice française, née à Monaco et qui n’avait même pas l’accent du midi, c’était quand même assez tordu ! Retenez bien le nom d’Isabelle Orsini et, si vous le voyez, fuyez ! Elle est très belle, mais je ne crois pas avoir vu de comédienne aussi abominable depuis Orane Demazis ou Josette Day (encore les années trente !).
Mireille Balin n’était pas la tragédienne du siècle, mais elle ne méritait pas ça !
En dehors de cette abomination, le reste de la distribution est excellent, de Steve Suissa (Benjamin, le frère de Victor) à Patrick Bouchitey (Beillières, le manager) et dominé par un acteur non professionnel, le boxeur Brahim Asloum qui a pris ce rôle à bras-le-corps et sait rendre toutes les émotions de cette vie trop vite interrompue, depuis les entrainements à Tunis jusqu’à la mort sur une route de Pologne en passant par cette visite cauchemardesque de Berlin, le lendemain de la nuit de cristal.
Pourquoi Jacques Ouaniche a-t-il axé tout son film sur le personnage rendu grotesque par une actrice approximative d’une Mireille Balin de pacotille, alors qu’il réalisait dans le même temps cette scène remarquable du combat d’Auschwitz se terminant par le murmure des détenus scandant en chœur le nom du boxeur pendant son combat héroïque et désespéré contre un soldat du Reich bien nourri ?
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