samedi 23 mai 2020

Belphégor (Desfontaines)

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Belphégor - Film (1927) - SensCritique **

Belphégor (1927) d’Henri Desfontaines
Paris est en émoi : il y aurait un fantôme au Louvre.
Le gardien de nuit Gautrais l’a vu dans la salle des « Divinités barbares » devant la statue du dieu moabite Belphégor.
Jacques Bellegarde, jeune reporter au Petit Journal, se passionne pour l’affaire et décide d’enquêter. L’inspecteur Ménardier est chargé de l’enquête.
Chantecoq, le « roi des détectives », enquête également.
Lorsque Bellegarde rencontre Colette, la fille de Chantecoq, il tombe immédiatement amoureux.
Il quitte donc Simone Desroches, sa maîtresse envahissante et possessive.
Dans le même temps, il reçoit des lettres de menace signées « Belphégor »
Tout le monde se souvient de ces quatre samedis (6, 13, 20 et 27 mars 1965) où les restaurants et les salles de spectacle « mangèrent leur chapeau », à cause d’une série (on disait feuilleton, à l’époque) en quatre épisodes de 70 mn, Belphégor ou le fantôme du Louvre.
La première chaine de l’O.R.T.F. (il n’y en avait que deux à l’époque) réunit 10 millions de téléspectateurs, soit un peu moins du quart de la population française alors que 40 % de cette population seulement possède un téléviseur.
C’était signé Claude Barma et lorsque la France voulut, déjà et comme toujours aujourd’hui, imiter les États-Unis en adaptant les séries TV à succès au cinéma, ce fut Belphégor qui essuya les plâtres. Jean-Paul Salomé, en 2000, réalisa à son tour et sous le même titre que la série, un film distrayant, mais bourré d’effets spéciaux un peu pénible à la longue, bien qu’il soit la plus courte des trois versions.
Comparaison ne vaut pas raison, mais on peut tout de même s’y risquer : le serial, la version qui nous intéresse ici, le film original réalisé par Henri Desfontaines écrit par Arthur Bernède parallèlement à son roman homonyme paru en feuilleton au fur et à mesure de la sortie sur écran des épisodes correspondant est une histoire de gangsters où le fantastique n’est qu’un écran de fumée qui cache une histoire sordide de recherche crapuleuse du « trésor des Valois », caché là par Catherine de Médicis lors de la Journée des Barricades en 1588.
La série de Claude Barma est également une histoire de gangsters, mais qui flirte franchement avec l’ésotérisme puisqu’il est question des Rose-Croix, un ordre secret qui aurait été fondé au 15ème siècle en Allemagne, un des ordres ancêtres de la Franc-Maçonnerie, mélangeant ésotérisme, philosophie, alchimie, Kabale, magie et… poudre de Perlimpinpin
Quant au film de Salomé, il plonge à pied joint dans le fantastique où il n'est plus question de trésor des Valois ou de Rose-Croix, mais bien d'une malédiction « à la Toutankhamon » liée au Belphégor historique, divinité malfaisante (et féminine, ce que les trois adaptations ont gardé bien que dans des circonstances différentes).
Que la version la plus populaire ait été une mini-série télé de 1965, n'a rien de surprenant. D'abord le film de Desfontaines n'est pas évident à voir : il n'a jamais fait l'objet d'une ressortie, que ce soit en salle ou en DVD.
De plus, comme tous les serials avec « Odieux criminels », « Ignobles assassins », « Génie du crime » voire, comme ici, « Roi des détectives », notre époque blasée ne peut plus voir ça sans, à minima, un léger sourire, au pire, une franche rigolade.
Le Belphégor de Desfontaines n'a, bien évidemment, pas le niveau du Docteur Mabuse langien. Il est même assez stupéfiant de voir comme ce film de 1927 peut faire vieillot.
Car 1927, c'est l'année du Metropolis de Lang, du Mécano de la “Général” de Keaton, de The Lodger d’Hitchcock, d'Octobre d’Einsenstein et surtout de L’Aurore de Murnau.
Le Serial est l'ancêtre de la série télé : on ne s'intéresse qu'à l'histoire selon un canevas totalement formaté pour une époque donnée et on ne joue que sur le suspense et rien d'autre : donc ça peut se voir, certainement pas se revoir !
Or, j'ai commis la sottise de lire le roman de Bernède la semaine qui a précédé la projection où j'étais. Comme je l'ai expliqué, ce roman est, en fait, un ciné-roman, c'est-à-dire une sorte de « novélisation » (comme on dit de nos jours en bon français), non pas du film (comme ça se fait maintenant), mais du scénario original. C'est donc le reflet « littéraire », mais aussi littérale du film. Outre que le style feuilletonesque de Bernède est extrêmement pénible à lire, on peut s’étonner, comme pour le film, du style vieillot pour 1927 de l’écriture. 1927 est quand même l’année de l’édition de Thérèse Desqueyroux de Mauriac ou, pour rester dans le domaine de la littérature populaire et feuilletonesque, de La Demoiselle aux yeux verts de Maurice Leblanc qui a quand même une autre tenue !
Et le style emphatique du roman se retrouve exactement dans le film que ce soit dans sa mise en scène très daté dans le jeu des acteurs qui peut provoquer de grosses crises d’hilarité ou dans les intertitres écrits dans le même style que le roman.
Il est possible que ça ait pu impressionner le public de l'époque, mais il est, tout compte fait, assez normal que ce film de Desfontaines ne soit plus connu qu’en référence au téléfilm de Barma.
Jean-Paul Salomé dans sa version de 2001 rend un hommage furtif à ce film-ci en nommant l'archéologue qui a découvert exhumé la momie de Belphégor (!), professeur Desfontaines.

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