Belphégor (1927) d’Henri Desfontaines
Paris
est en émoi : il y aurait un fantôme au Louvre.
Le gardien de nuit Gautrais l’a vu
dans la salle des « Divinités barbares » devant la statue du dieu
moabite Belphégor.
Jacques Bellegarde, jeune reporter
au Petit Journal, se passionne pour l’affaire et décide d’enquêter.
L’inspecteur Ménardier est chargé de l’enquête.
Chantecoq, le « roi des
détectives », enquête également.
Lorsque Bellegarde rencontre
Colette, la fille de Chantecoq, il tombe immédiatement amoureux.
Il quitte donc Simone Desroches, sa
maîtresse envahissante et possessive.
Dans le même temps, il reçoit des lettres de menace
signées « Belphégor »
Tout
le monde se souvient de ces quatre samedis (6, 13, 20 et 27 mars 1965) où les
restaurants et les salles de spectacle « mangèrent leur chapeau », à
cause d’une série (on disait feuilleton, à l’époque) en quatre épisodes de 70
mn, Belphégor ou le fantôme du Louvre.
La première chaine de l’O.R.T.F. (il
n’y en avait que deux à l’époque) réunit 10 millions de téléspectateurs, soit
un peu moins du quart de la population française alors que 40 % de cette
population seulement possède un téléviseur.
C’était signé Claude Barma et lorsque
la France voulut, déjà et comme toujours aujourd’hui, imiter les États-Unis en
adaptant les séries TV à succès au cinéma, ce fut Belphégor qui essuya les plâtres.
Jean-Paul Salomé, en 2000, réalisa à son tour et sous le même titre que la
série, un film distrayant, mais bourré d’effets spéciaux un peu pénible à la
longue, bien qu’il soit la plus courte des trois versions.
Comparaison ne vaut pas raison, mais on
peut tout de même s’y risquer : le serial, la version qui nous intéresse
ici, le film original réalisé par Henri Desfontaines écrit par Arthur Bernède
parallèlement à son roman homonyme paru en feuilleton au fur et à mesure de la
sortie sur écran des épisodes correspondant est une histoire de gangsters où le
fantastique n’est qu’un écran de fumée qui cache une histoire sordide de
recherche crapuleuse du « trésor des Valois », caché là par Catherine
de Médicis lors de la Journée des Barricades en 1588.
La série de Claude Barma est également
une histoire de gangsters, mais qui flirte franchement avec l’ésotérisme
puisqu’il est question des Rose-Croix, un ordre secret qui aurait été fondé au
15ème siècle en Allemagne, un des ordres ancêtres de la Franc-Maçonnerie,
mélangeant ésotérisme, philosophie, alchimie, Kabale, magie et… poudre de Perlimpinpin
Quant au film de Salomé, il plonge à
pied joint dans le fantastique où il n'est plus question de trésor des Valois
ou de Rose-Croix, mais bien d'une malédiction « à la Toutankhamon »
liée au Belphégor historique, divinité malfaisante (et féminine, ce que les trois
adaptations ont gardé bien que dans des circonstances différentes).
Que la version la plus populaire ait
été une mini-série télé de 1965, n'a rien de surprenant. D'abord le film de Desfontaines
n'est pas évident à voir : il n'a jamais fait l'objet d'une ressortie, que
ce soit en salle ou en DVD.
De plus, comme tous les serials avec « Odieux
criminels », « Ignobles assassins », « Génie
du crime » voire, comme ici, « Roi des détectives »,
notre époque blasée ne peut plus voir ça sans, à minima, un léger sourire, au
pire, une franche rigolade.
Le Belphégor de Desfontaines n'a, bien
évidemment, pas le niveau du Docteur Mabuse langien. Il est même assez
stupéfiant de voir comme ce film de 1927 peut faire vieillot.
Car 1927, c'est l'année du Metropolis
de Lang, du Mécano de la “Général” de Keaton, de The Lodger d’Hitchcock,
d'Octobre d’Einsenstein et surtout de L’Aurore de Murnau.
Le Serial est l'ancêtre de la série
télé : on ne s'intéresse qu'à l'histoire selon un canevas totalement
formaté pour une époque donnée et on ne joue que sur le suspense et rien
d'autre : donc ça peut se voir, certainement pas se revoir !
Or, j'ai commis la sottise de lire le
roman de Bernède la semaine qui a précédé la projection où j'étais. Comme je
l'ai expliqué, ce roman est, en fait, un ciné-roman, c'est-à-dire une sorte de « novélisation »
(comme on dit de nos jours en bon français), non pas du film (comme ça se fait
maintenant), mais du scénario original. C'est donc le reflet « littéraire »,
mais aussi littérale du film. Outre que le style feuilletonesque de Bernède est
extrêmement pénible à lire, on peut s’étonner, comme pour le film, du style
vieillot pour 1927 de l’écriture. 1927 est quand même l’année de l’édition de Thérèse
Desqueyroux de Mauriac ou, pour rester dans le domaine de la littérature
populaire et feuilletonesque, de La Demoiselle aux yeux verts de Maurice
Leblanc qui a quand même une autre tenue !
Et le style emphatique du roman se
retrouve exactement dans le film que ce soit dans sa mise en scène très daté
dans le jeu des acteurs qui peut provoquer de grosses crises d’hilarité ou dans
les intertitres écrits dans le même style que le roman.
Il est possible que ça ait pu
impressionner le public de l'époque, mais il est, tout compte fait, assez
normal que ce film de Desfontaines ne soit plus connu qu’en référence au
téléfilm de Barma.
Jean-Paul Salomé dans sa version de 2001 rend un hommage furtif à ce film-ci en nommant l'archéologue
qui a découvert exhumé la momie de Belphégor (!), professeur Desfontaines.
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