Les Sorcières de Salem (1957) de Raymond Rouleau
En
1692, le petit village de Salem vit au rythme des travaux de la terre et des
règles religieuses très strictes que respectent scrupuleusement ses habitants, des
Puritains d’origine anglaise.
Abigail Williams est servante chez
John et Elisabeth Proctor, un couple très pieux. Mais Abigail est amoureuse de
John Proctor qu’elle a séduit : John, frustré par sa femme qui se refuse à
lui, lui a cédé.
Il s’en repend et ne veut plus
continuer, mais il finit par lui céder de nouveau et le couple est surpris par
Elisabeth qui chasse Abigail.
Pour se venger, la jeune femme qui se livre en secret
à la sorcellerie prétend que John Proctor l’a vendue au diable et toutes les
jeunes filles de la ville, entraînées par Abigail, se disent possédées.
C’est
une histoire bien compliquée !
Adapté d’une pièce d’Arthur Miller
écrite en 1953 qui se voulait être une allégorie du maccarthysme et de sa
chasse aux… sorcières, le film de Raymond Rouleau est une coproduction franco-(est)
allemande, écrite par Jean-Paul Sartre et tournée en grande partie à Babelsberg
et dans les studios Pathé de la rue Francœur.
Ce qui complique tout, ce sont à la
fois les données politiques et les données personnelles.
La politique d’abord : Miller
avait donc écrit sa pièce pour dénoncer l’anticommunisme hystérique du
maccarthysme. La pièce est adaptée par le plus « gauchiste » (on
n’appelait pas ça comme ça à l’époque !) des intellectuels français et
cette adaptation sera coproduite par la France et (quelle horreur !) la R.D.A.
Le film a été voulu par le couple
Montand-Signoret qui sont toujours réputés communistes, bien qu’ils aient pris
leurs distances avec le P.C.F. en particulier et les communistes en général en
raison de l’invasion, l’année précédant le tournage du film, des chars
soviétiques à Budapest et la répression du « grand frère russe »
vis-à-vis de l’insurrection hongroise.
D’après Simone Signoret, le tournage de
cette sinistre histoire aurait été plutôt joyeux : rien d’étonnant à cela,
le tournage d’histoires cauchemardesques nécessite pour les comédiens de grands
moments de détente.
D’après Mylène Demongeot, les souvenirs
de tournage sont… plus nuancés. Mylène Demongeot interprète le sale rôle de
l’immonde garce Abigail Williams, et il semble que le trio Abigail, John et
Elisabeth Proctor se serait transposé chez leurs interprètes à quelques
différences près : Abigail (Demongeot), la méchante, se serait faite
courser par John (Montand) devant Elisabeth (Signoret) qui, avec son autorité
habituelle aurait œuvré pour faire brocarder la jeune et jolie comédienne par
la troupe et, tout particulièrement, par Raymond Rouleau qui, en plus d’être le
réalisateur du film, y interprétait le rôle d’un gouverneur très populiste et
qui était entièrement aux ordres de madame. En conclusion, Mylène Demongeot,
très longtemps après, lâcha à propos de l’interprète de Casque d’or :
« C’était une immense actrice et une vraie peau de vache ! »
De plus, Miller fit interdire la
version Sartre-Rouleau pendant des années et ce, pour deux raisons :
d’abord à cause de sa propre adaptation (pourtant médiocre) en 1996, La Chasse aux sorcières de
Nicholas Hytner, car lorsque les Américains produisent le remake d’un film
européen, celui-ci « disparaît » complètement de la circulation.
La deuxième raison est, une fois de
plus, à porter au « crédit » de la braguette de monsieur Montand,
braguette qui avait beaucoup de mal à rester fermer ce qui devait, bien
entendu, mettre la rate de madame au court-bouillon et en faire, effectivement
une peau de vache, mais qui devait, également avoir le même effet sur Arthur
Miller, mari de Marilyn Monroe. Si vous voulez rester en bon terme avec un
dramaturge que vous avez adapté, essayez de ne pas coucher avec sa femme ou, à tout
le moins, si vous couchez, faites en sorte qu’il ne le sache pas !
Le film est donc un peu marqué par la
haine et par un certain puritanisme qui met bien en parallèle les curetons du
Massachussetts du 17ème siècle et le puritanisme anticommuniste des
États-Unis de l’époque maccarthyste, mais également, en filigrane, celui de la
R.D.A. de la fin des années 50.
La musique très lourdingue d’Hans
Eisler (La musique d’Eisler est toujours très lourde !) y est pour
beaucoup, mais la photographie de Claude Renoir est absolument superbe. C’est la
belle-mère de Claude Renoir, Marguerite, qui a monté le film, un montage très
loin d’être parfait, mais il est difficile de savoir si les erreurs de montage
sont imputables à Marguerite Renoir ou à Raymond Rouleau.
Lui-même est, comme comédien, plutôt
mauvais en en rajoutant dans l’hystérie (il y a beaucoup d’hystérie dans Les
Sorcières de Salem !). Il devient un peu meilleur dans la scène de sa
« confession ».
On ne peut citer toute la distribution
avec Pierre Larquey, Jeanne Fusier-Gir, Françoise Lugagne (compagne de Rouleau
à l’époque), Alfred Adam et… tant et tant d’autres comédiens tous meilleurs les
uns que les autres, jusqu’à Michel Piccoli dans un tout petit rôle et Darling
Legitimus, la grand-mère de Pascal. Et cette distribution prestigieuse est
dominée par Simone Signoret et Mylène Demongeot : « Eh bien, mon
petit, tu pourras toujours faire des ménages » dit la première à la
seconde après une projection. Erreur profonde ! Demongeot fut LA
révélation du film.
Seule exception (mais de
taille !), le lamentable et très surévalué Yves Montand dans un personnage
très millérien, donc lavasse et insipide comme tout son théâtre très verbeux et,
lui aussi, très surévalué.
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