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A Star is Born (Une étoile
est née)
de George Cukor (1954)
(Version longue :
168mn - Version courte :
143mn)
Esther
Blodgett est une toute jeune chanteuse inconnue. Elle doit se produire lors
d’un gala, mais son numéro est « parasité » par la présence
intempestive sur scène de Norman Maine, immense vedette de cinéma, alcoolique
invétéré et, présentement, complètement saoul.
Le lendemain, Norman va chercher
Esther au cabaret où elle travaille et, ébloui par son talent, l’encourage à se
lancer dans le cinéma. [Esther, un peu effrayée, disparaît et Norman la cherche
partout, allant jusqu’à négliger ses tournages pour la retrouver. Il la
retrouve] et la remet entre les mains des studios qui en font un
« produit » maison. Elle débute dans de petits rôles, mais rapidement
(et avec le concours de Norman), Oliver Niles, le directeur du studio, réalise
qu’il tient une grande actrice et en fait une vedette sous le nom de Vicky
Lester.
Deuxième
des trois versions de ce scénario (inspiré de la vie de John Barrymore,
« superstar » du théâtre et du cinéma américain qui sombra dans
l’alcool lorsque son « étoile » commença à palir), le film de Cukor
est le plus célèbre et le plus vu. La première version signée William
Wellman (mais que Cukor devait déjà réaliser) avec Janet Gaynor et Frederic
March, réputée la meilleure, est pratiquement invisible[1],
ce qui inciterait à la méfiance : les critiques ont une fâcheuse tendance
à encenser les films qu’ils sont les seuls à avoir vu ou qu’ils prétendent
avoir vu. Quant à la troisième, celle de Frank Pierson avec Barbra Streisand et
Kris Kristoferson, elle a été démolie par une critique unanime ; ça ne veut
pas toujours dire quelque chose, mais ça rend tout aussi méfiant.
Néanmoins,
peu importe les autres versions, bonnes ou mauvaises. Celle-ci n’est sans doute
pas la plus connue pour rien.
Tout
d’abord, il y a le cachet Cukor, une référence absolue. Et puis il y a Judy
Garland dans ce qui fut son plus beau rôle, si on excepte peut-être The
Clock de Minelli et Jugement à Nuremberg de Stanley Kramer.
Bien sûr, tout le monde sait que Judy Garland, à l’époque, était plus proche
d’un Norman Maine vieillissant et alcoolique que de la jeune et talentueuse
Esther Blodgett. Mais qui
peut-on lui opposer lorsqu’elle chante The Man that Got Away ou I
Was Born in a Truck ?
Cukor
avait la réputation, ô combien justifiée, d’être avant tout un réalisateur de
femmes et on sait que c’est, entre autres, cette compétence particulière lui
valut d’être débarqué du tournage d’Autant en emporte le vent sur intervention du quelconque, mais
tout puissant Gable qui avait peur que ces dames (Vivien Leigh et Olivia de
Havilland) lui dament le pion avec l’appui du réalisateur
« féministe ».
Ici, la
réputation de James Mason n’est pas en cause, mais le personnage de Norman
Maine, dont Niles n’arrête pas de dire quel grand acteur il fut, nous apparaît
tout de même un peu falot face à ce phénomène à l’énergie inépuisable que
représente Vicki Lester. La grande qualité de Cukor semble se retourner contre
lui cette fois-ci. Mais cette erreur de scénario est vite balayée par les
qualités incomparables d’une mise en scène à la fois efficace et éblouissante
et par la justesse de ton d’une interprétation extraordinairement homogène.
Rarement
des numéros musicaux se sont insérés avec autant de bonheur dans une intrigue
dramatique.
Et Cukor maîtrise le
cinémascope avec une maestria plutôt rare à une époque où l’écran large n’avait
pas un an d’âge.
A Star is Born : les deux versions
Version longue : Après que Norman lui a juré qu’il
ferait d’elle une vedette, Esther va rejoindre Danny pour lui faire part de son
enthousiasme et de ses doutes. C’est là qu’elle décide de dire oui à Norman. Le
lendemain, elle fait ses adieux à Danny qui part. Photos : Norman
Maine tourne un nouveau film, mais il cherche à retrouver Esther qui a disparu.
Elle habite un meublé et court le cacheton. C’est en reconnaissant sa voix dans
une publicité que Norman retrouve sa trace. Photos et quelques plans : Esther est aussi serveuse dans un
Drive-In. Norman la cherche toujours. Photos : Norman et
Esther se retrouvent. (13 minutes)
Version
courte : Après que
Norman lui a juré qu’il ferait d’elle une vedette, on retrouve Esther au
maquillage du studio.
Version longue : Le soir de l’avant-première du film
d’Esther, Norman, dans la voiture, lui explique quelques trucs du métier.
Esther est malade avant d’arriver à la salle.
(1 mn 18 sec)
Version
courte : Après le
cours de danse, Norman et Esther arrivent à l’avant-première.
Version longue : Esther
enregistre la chanson Why Am I Here for ? Norman est avec elle dans
le studio. Pendant le pont orchestral de la chanson, ils décident de se marier. (4 mn 47 sec)
Version
courte : Ils
viennent au studio annoncer leurs fiançailles à Niles.
Version longue : Esther tourne une chanson « Go
and Get the Long Face » qui est un grand numéro musical de film. (4 mn 11 sec)
Version
courte : Après
avoir tourné la scène (qu’on ne voit pas), Esther rentre dans sa loge et
craque auprès de Niles parce que Norman boit toujours.
Version
longue : Juste après cette scène, Esther sort de sa loge pour
tourner la scène suivante. (42
sec - Cette scène n’existe pas dans la version courte)
Lorsque
Oliver va rendre visite à Norman qui est en cure de désintoxication, le plan de
son arrivée est plus long de huit secondes et un peu différent dans la version
longue.
A l’instar des « repentirs » de peintres,
comparer deux versions d’un même film apprend beaucoup sur l’œuvre. Mais si,
dans le domaine de la peinture, elle apprend également beaucoup sur l’artiste,
dans le cas d’un film, à fortiori un film américain, on apprend pas mal sur les
producteurs et les studios.
Dans les 24 minutes et 6 secondes coupées, c’est le thème
des coulisses du cinéma qui était mis en évidence : Esther connaît la
galère avant la réussite et les confidences de Norman sur le métier la rendent
malade. Enfin, ces scènes coupées nous montrent Esther dans un studio
d’enregistrement, puis tournant un numéro musical assez long alors qu’elle
craque nerveusement.
En supprimant les allusions aux servitudes des métiers du
cinéma, « ils » (La Warner Bros ?) ont également supprimé
l’image du cinéma en train de se faire et, d’une certaine manière, sa grandeur.
Heureusement, il semble que la version intégrale soit désormais la seule
montrée.
[1] Cette note date de
2001 : le film de Wellman était ALORS invisible. Depuis 19 ans, les choses
ont beaucoup changé, d’abord avec l’essor du DVD, puis avec celui des films en
ligne où cette première version de A Star is Born figure en bonne place.
De même que je n’ai fait aucune allusion, et pour cause, à la quatrième version
de cette histoire, A Star is Born (qui, lui, n’a jamais bénéficié du
titre français Une étoile est née – sauf au Québec), écrit, produit et
réalisé par Bradley Cooper et interprété par le réalisateur et Lady Gaga, sorti
en 2018.
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