Yema (2012) de Djamila Sahraoui
Pendant la guerre civile
algérienne des années 90, Ouardia enterre elle-même son fils aîné qui était
militaire.
Son autre fils, Ali, dirige un maquis islamique et
Ouardia le soupçonne d’avoir tué son frère.
Ali maintient sa mère captive dans sa propre maison
sous la garde de l’un de ses jeunes lieutenants qui a perdu un bras lors d’un
attentat qu’il préparait.
Ouardia, elle, se mure dans le silence pour
s’occuper de son jardin et de son potager qu’elle fait pousser vaille que
vaille sur son lopin de terre aride.
Et elle ne cache rien du mépris que lui inspirent ses geôliers.
Dans les montagnes
désertiques et rocailleuses du sud algérien, une femme d’un certain âge asperge
de la main les maigres pousses qu’elle a plantées.
Elle est
gardée par un tout jeune homme manchot qui la traite comme une paria. Il a même
voulu l’empêcher d’enterrer elle-même son fils.
Le silence
qu’elle oppose à son « gardien », c’est l’expression de son mépris.
Mais celui
qu’elle méprise le plus, semble-t-il, c’est son fils cadet qu’elle rend
directement ou indirectement responsable de la mort de son frère.
On sent des
inspirations diverses dans le scénario : il y a bien sûr (c’est le premier
qui vient à l’esprit), Le Silence de la
mer de Vercors, adapté par Melville à l’écran. Et il y a surtout les
portraits de la mère, à la fois héroïque, comme chez Gorki et dérisoire comme
chez Brecht.
Et Djamila
Sahraoui, scénariste, réalisatrice et interprète, a très probablement cherché
là son inspiration.
Bien entendu,
on peut y ajouter le symbole fort de la mère, perdue entre ses deux fils,
ennemis dans une guerre civile qui ose à peine, vingt ans plus tard, dire son
nom.
Comme la
terre que cultive la mère, le film est sec, rocailleux. Mais comme la terre, il
est plein d’espoir, même si cet espoir nous est présenté comme bien timide,
lorsque la mère « adopte » en quelque sorte, son gardien pour
« remplacer » le fils disparu et s’opposer à l’autre fils.
Toutes les
scènes où cette femme frêle tente de forcer le passage, face à ces deux jeunes
hommes armés et dans la force de l’âge, ce sont des images qui nous restent
d’un film remarquable, sensible sans pathos, âpre sans cruauté et didactique
sans discours.
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