mardi 19 mai 2020

Yema


Yema - film 2012 - AlloCiné ****
Yema (2012) de Djamila Sahraoui
 Pendant la guerre civile algérienne des années 90, Ouardia enterre elle-même son fils aîné qui était militaire.
Son autre fils, Ali, dirige un maquis islamique et Ouardia le soupçonne d’avoir tué son frère.
Ali maintient sa mère captive dans sa propre maison sous la garde de l’un de ses jeunes lieutenants qui a perdu un bras lors d’un attentat qu’il préparait.
Ouardia, elle, se mure dans le silence pour s’occuper de son jardin et de son potager qu’elle fait pousser vaille que vaille sur son lopin de terre aride.
Et elle ne cache rien du mépris que lui inspirent ses geôliers.
Dans les montagnes désertiques et rocailleuses du sud algérien, une femme d’un certain âge asperge de la main les maigres pousses qu’elle a plantées.
Elle est gardée par un tout jeune homme manchot qui la traite comme une paria. Il a même voulu l’empêcher d’enterrer elle-même son fils.
Le silence qu’elle oppose à son « gardien », c’est l’expression de son mépris.
Mais celui qu’elle méprise le plus, semble-t-il, c’est son fils cadet qu’elle rend directement ou indirectement responsable de la mort de son frère.
On sent des inspirations diverses dans le scénario : il y a bien sûr (c’est le premier qui vient à l’esprit), Le Silence de la mer de Vercors, adapté par Melville à l’écran. Et il y a surtout les portraits de la mère, à la fois héroïque, comme chez Gorki et dérisoire comme chez Brecht.
Et Djamila Sahraoui, scénariste, réalisatrice et interprète, a très probablement cherché là son inspiration.
Bien entendu, on peut y ajouter le symbole fort de la mère, perdue entre ses deux fils, ennemis dans une guerre civile qui ose à peine, vingt ans plus tard, dire son nom.
Comme la terre que cultive la mère, le film est sec, rocailleux. Mais comme la terre, il est plein d’espoir, même si cet espoir nous est présenté comme bien timide, lorsque la mère « adopte » en quelque sorte, son gardien pour « remplacer » le fils disparu et s’opposer à l’autre fils.
Toutes les scènes où cette femme frêle tente de forcer le passage, face à ces deux jeunes hommes armés et dans la force de l’âge, ce sont des images qui nous restent d’un film remarquable, sensible sans pathos, âpre sans cruauté et didactique sans discours.

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